à la recherche d'un ami

Il y eut un "plop", puis un grand flash lumineux et enfin, un grand "BOUM" dans l'écurie céleste. Eriol se trouvait maintenant là, assis par terre, Aaluna allongée sur ses jambes et fort heureusement encore endormie. L'ange se tenait la tête d'une main, le regard hagard, un peu perdu et surtout un peu stressé. Il y avait maintenant plus de trois siècles qu'il n'était pas revenu ici, qu'il n'avait pas respirer cet ni fouler ce sol c'est peut être pourquoi il se retrouvait ainsi assis au sol après avoir apparu une quinzaine de centimètres trop haut. Il prit une grande inspiration avant de repousser une mèche du visage de la jeune femme sur ses genoux. Il n'aurait jamais pu croire cela, encore trois jours en arrière.

Eriol, lui, la lumière de Landayën, l'ange oublié, le guérisseur des âmes perdues, qui aurait crut que celui qui vivait reclus depuis des siècles au fin fond des zones les plus sauvages de ce monde puisse un jour se retrouver là. Certes il s'était promis depuis la perte de son ami le plus cher de faire un effort de reprendre goût au monde et de se rapprocher des gens. Mais là, en deux jours de temps le voilà revenu au royaume céleste pour chercher un futur ami avec dans ses bras une jeune protégée endormie avec qui il engagé un pacte. Lui en tout cas n'y aurait jamais crut.

Le guérisseur avait passé les dernières quarante huit heures avec sa protégée, ou plus exactement au chevet de sa protégée. Après leur départ de la forêt il l'avait conduite dans un village humain, dans une auberge. Il avait passé tout son temps à ses cotés, sans dormir, lui portant par moment un plateau de nourriture, puis la laissant dormir, juste au cas où, pour la protéger en quelques sortes. Le temps s'écoulait et lui tournait dans cette chambre, il la nourrissait, un peu, la laissait dormir, beaucoup, l'auscultait, souvent. Lorsqu'il l'a jugea dans un meilleur état, qu'il savait qu'elle s'était assez reposée, qu'elle avait repris toutes ses forces et que bientôt elle se relèverait il la sortit du lit, sans la réveiller et ils disparurent.

Eriol avait une parole qu'il s'était donné au fil des heures dans l'auberge, une promesse qu'il s'était faite qu'il voulait tenir. Il voulait retrouver Achariel, pour lui certes, mais aussi et surtout pour Aaluna. Il avait remarqué le regard triste et déçu qu'elle avait eu quand elle se rendu compte de son départ, quand il le lui confirma. Voilà comment ils s'étaient retrouvés quinze centimètres au dessus du sol du ranch.

Eriol se leva en portant toujours la jeune femme et en prenant soin de ne pas la réveiller. Elle devra se réveiller quand elle en sentira le besoin, quand elle sentira que c'est nécessaire pas avant. Il farfouilla un instant dans les environs, il chercha, fouina et fouilla, jusqu'à trouver ce qu'il cherchait : Aranwë. Il se dirigea vers le pégase-licorne avec un grand sourire. Il coucha la jeune femme à l'ombre d'un arbre, dans l'herbe et lui offrit sa sacoche en guise d'oreiller. Il retourna vers l'animal et lui sourit amicalement. Il sortit de sa poche son herbe roulé dans du papier ainsi que de quoi l'allumer. Il embrasa sa drogue et tira de longues bouffées pour recracher une fumée dense et voluptueuse, puis il observa la lumière du soleil, il trouvait étrange et agréable cette douce sensation de bien-être que cette chaleur lui procurait. Il s'adressa à l'animal.

Tu sais, je dois m'excuser, je me suis mal comporté avec toi et ton ami. Surtout avec Achariel en fait, je crois que, je pense que... en fait tu sais je voulais tellement aider Aaluna, je crois que en fait tu sais Lui et moi, malgré tout on est semblable, on n'est pas ce monde si parfait si pur, en fait on se ressemble beaucoup, et je crois que je le vois vraiment comme un ami tu vois... *Eriol sourit, puis fixa l'animal dans les yeux en tirant de longues bouffées de fumée. Il passa sa main sur l'encolure de l'animal et reprit.*J'espérais vous trouver là, puis je me doute que si tu es là il n'est sûrement pas loin. Tu aurais dut voir les yeux d'Aalu quand je lui ai dit qu'Achariatre et toi étiez partis... C'est pour ça que je suis là. Je me suis mal comporté, bref, je pense qu’Aaluna et lui doivent parler, je n'aurais jamais du m'en mêler.

Il fuma un instant et commença à s'éloigner quand il entendit un craquement. Il ne broncha pas.

Les apparences étaient souvent trompeuses...Achariel était presque similaire aux animaux en général. Si parfois, quand on le connaissait en profondeur - et encore parfois - on parvenait à découvrir son véritable ressenti, il était très souvent toutefois très difficile d'avoir un coup d'avance sur lui, en gros, savoir ce qu'il se passait dans sa tête. Parfois des mauvaises idées. Très mauvaises, même, parfois. Ce qui le rendait imprévisible et parfois...dangereux, en un sens. Surtout qu'il n'avait plus aucun proche depuis des années, alors s'éloigner et dissimuler ses mauvaises idées de désespéré était encore plus facile, car personne n'était là pour avoir une chance de lui arrêter ses gestes.

Il avait pris un sacré coup, intérieurement. Il n'en revenait pas encore, de ce qu'il avait pu engendrer. Faire basculer la vie de deux innocents de la bien pire des façons...
Et comme il était seul, sans personne pour le raisonner réellement, ses pensées avaient évolué dans le mauvais sens...bref, il était perdu, mais alors complètement, dans un univers devenu bien ténébreux, sans plus une seule once de lumière.

Ce qui avait provoqué des choses, de sa propre part, mais de nouveau, ce furent ses "seuls amis" du monde qui eurent don de le remettre à sa place...depuis, Achariel voyait une très mince lumière, très faible, en gros, il avait retrouvé un début de chemin. Il ne faisait juste que l'effleurer, car les derniers événements continuaient à pas mal le torturer, alors il avait beaucoup de mal.

Aranwë était donc dans le domaine, toujours aussi fier et à l'aise chez lui, dans ce terrain qui était comme devenu le sien, même s'il le partageait avec beaucoup de pensionnaires.
Malgré le bandage à une patte arrière, il était de nouveau plein de vigueur, désignant donc qu'il ne s'agissait pas d'une plaie grave, loin de là. Il avait perdu quelques plumes d'argent aussi, mais ce n'était rien de bien méchant, ça repousserait. Tous ces résultats provenaient d'une bagarre entre lui et des hippogriffes, qui s'en étaient reçus eux aussi, des coups. Notamment de corne. Aussi, dans le ranch, deux des hippogriffes avaient quelques gros bleus et des plaies semblables à Aranwë à cause de sa corne d'argent qu'il n'avait pas hésité à utiliser contre eux.

Ce qu'il s'était passé ? A découvrir...

Aranwë vouait un profond attachement à son jeune maître. Après tout, c'était lui qui lui avait sauvé la vie alors qu'il n'était qu'un bébé, blessé et agonisant sur sa route. Toutefois, l'animal était intelligent, et savait différencier la plupart du temps les ennemis des alliés. Quand il voyait des gens approcher son maître, il observait, et voyait ainsi si ceux-ci étaient bons ou pas avec lui. Et selon les cas, il réagissait d'une certaine manière. Si la personne, même si Achariel savait très bien jouer de ses poings derrière les apparences, essayait de lui vouloir du mal, comptez sur la créature pour tenter de vous embrocher sans aucune once de remords. En revanche, si la personne lui semblait bonne, il laissait faire, et allait même parfois vers elle, à son aide, comme il le pouvait, même si ça ne signifiait pas de lui devoir obéissance. ça, seul Achariel en avait l'exclusivité, les autres, Aranwë n'obéissait que selon son bon vouloir. En gros, quand il devenait incontrôlable comme c'était arrivé justement la veille, là, seule une seule et unique personne pouvait le calmer sans risquer de se blesser face à lui...

Le problème...c'est que justement, ce cher maître fut "indisponible" à ce moment-là. Bref, le ranch connut à ce jour un nouveau chaos interne.

Un bruit alerta les oreilles de l'animal, habitué depuis des années à veiller et à monter la garde, surtout lorsqu'Achariel vivait encore par ses propres moyens, dormant la plupart du temps à la belle étoile, car pas de chez lui, n'étant pas encore arrivé ici. Il était donc depuis sa plus petite enfance habitué à devoir faire attention au moindre signe des alentours.

Ce bruit venait de la grange, alors l'animal tourna sa tête vers la grange, et attendit. Enfin, il put apercevoir quelqu'un en sortir. Cela le surprenait car il n'y avait normalement plus personne, et aucune autre entrée, mais il resta calme et parfaitement serein, car il reconnaissait la personne qui en sortait. C'était cet ange qu'ils avaient croisé dans la forêt de Landayën, et qui s'était montré plutôt gentil avec lui.

Alors Aranwë n'hésita pas et galopa vers l'ange, venant l'accueillir, et pencha même doucement la tête pour laisser l'ange passer sa main sur son encolure. L'ange sortit d'ailleurs quelque chose qui semblait à de la nourriture, Aranwë ne put s'empêcher de vouloir le flairer et peut-être même de le bouffer par la même occasion, après tout, la dernière fois que cet ange avait tenu quelque chose de ce genre dans sa main, c'était pour le lui donner. Puis à ses yeux d'animal, ça ressemblait drôlement à quelque chose à manger. Mais l'odeur était bizarre alors il se recula un peu, renâclant, pendant que l'ange parlait, en faisant brûler ses feuilles à l'odeur bizarre.

Bon. On ne pouvait quand même pas aller jusqu'à dire que les animaux comme lui comprenaient parfaitement le langage Mythran, sinon, les animaux sauraient parler. Mais ils savaient ressentir, surtout lui qui avait été élevé comme une créature elfique, car Achariel avait été élevé là-bas, alors ça s'était transmis dans ses habitudes malgré sa rébellion afin de revendiquer sa personnalité, de ne plus être un trophée à astiquer parfaitement tous les jours. Les elfes avaient toujours eu un lien très étroit avec la nature et les animaux...ceci s'était donc développé chez Achariel, qui y avait passé 12 ans depuis ses 8 ans, tout de même...alors Aranwë y était très alerte, au son de la voix, il était capable de connaître l'état d'esprit de la personne.

Alors là, le timbre de voix d'Eriol lui faisait faire le lien avec ce qu'il s'était passé dernièrement. Même s'il n'avait pas tout compris à la situation, il parvint toutefois à déceler sans mal la demande d'Eriol, grâce à ses facultés qu'il avait pu développer avec l'aide d'Achariel.

Aranwë contourna alors l'ange afin de lui donner des petits coups de tête dans le dos afin de lui faire prendre la direction de la maison de son maître, pour l'y emmener, en réalité, bien qu'il ne dût pas insister bien longtemps car une autre présence se manifestait.

L'animal releva simplement la tête pour apercevoir en fait...son maître, quelques mètres plus loin, qui s'était figé soudainement, un rouleau de bandage dans une main, s’apprêtant à la base venir s'occuper de la paie à la jambe d'Aranwë. Lui aussi était légèrement amoché, et encore, parce que la plus grosse partie avait été effacée par ses phénix. Que s'était-il donc passé la veille dans cette bagarre douteuse avec les hippogriffes ? Mystère...en tout cas, Achariel n'y était pas pour rien dans l'affaire...car même si ça avait été une simple dispute d'animaux, il s'en serait quand même sorti indemne, car expérimenté, après tout, pas comme lors de ses débuts 5 ans en arrière où un griffon lui avait laissé des cicatrices sur le bras droit.

Là, Achariel avait sa paume gauche bandée, laissant ses doigts fins libres, puis un autre autour de la tête, bien que pas mal dissimulé par ses cheveux, histoire d'être plus discret, comme toujours.

Achariel eut du mal, là. Comment avait fait Eriol pour parvenir jusqu'ici ? Aaluna était rentrée chez elle, finalement ?

Ce ne fut que quelques secondes plus tard qu'il parvint enfin à réagir. Enfin, presque, car il s'exprimait encore derrière son masque quasi impénétrable depuis deux jours :

- Qu'est-ce que vous êtes venu faire ici ? Alourdir le poids de ma conscience ?

demanda-t-il d'ailleurs, toujours aussi sombre et...assez dur, du coup.

- Je n'ai besoin de personne pour ça...

continua-t-il en détournant le regard sur le côté. Il se montrait de nouveau très froid plus pour dissimuler son état intérieur vraiment au plus bas qu'autre chose en réalité.

Aranwë resta pour le moment auprès d'Eriol. Il avait vu cet ange guérir la jeune femme qui était venue leur rendre visite, après tout. Alors dans son esprit à lui, il se disait que peut-être qu'il saurait guérir son maître de son propre mal, car lui n'y parvenait pas...il restait auprès de lui pour tenter de le soutenir un peu, lui signifier que peu importait, lui serait toujours là, mais c'était tout ce qu'il pouvait faire...puis les humanoïdes et les démons étaient décidément bien compliqués...

Aaluna n'avait pas pu protester, ni même rien dire tout court, qu'Eriol les avait déjà téléporté à Thran, seul village petit et isolé de Mythra. Bien qu'elle avait finit par comprendre qu'il l'emmènerai voir Achariel, mais plus tard. Sous prétexte qu'elle devait se rétablir avant. Au début, avec sa nature de fonceuse, elle avait voulu refuser, voulant retrouver le Gardien du Ranch assez rapidement. Mais son état l'avait bien vite rattrapée, et au final, elle avait passé le plus clair de son temps à dormir.

Ils avaient passés deux jours à l'auberge, durant lesquels elle n'avait pas pu bouger. Si Eriol s'était activé 24/24h pour le rendre de plus en plus en forme, vu la constitution qu'elle avait, cela prenait du temps pour se remettre du choc qu'elle avait subit. Déjà que dans les périodes normales, c'était une grosse dormeuse de nature, alors là, forcément... Le peu qu'elle s'était réveillée, c'était pour manger et apporter à son corps se dont il avait besoin pour se remettre. Le reste...

Sans compter que même si elle était tirée d'affaire, le pacte avec Eriol ne supprimait pas les crises qu'elle faisait quotidiennement à cause de la magie qui l'infectait. La magie de l'Ange rendait ces dernières plus supportables, mais ne les faisait pas disparaitre. Pour la simple et bonne raison que cela était partie intégrante de la jeune femme, et surtout d'origine démoniaque.
Donc ça ne s'accordait pas trop avec celui qui était devenu son gardien, et du coup, elle continuait d'en avoir des plus ou moins fortes.

Ceci dit, elle avait l'habitude, alors déjà affaiblie ou non, elle gérait pas trop mal, et puis elle n'était plus toute seule à y faire face. Donc quelque part, c'était toujours mieux qu'avant. Ça ralentissait juste son rétablissement, raison pour laquelle ça prenait beaucoup de temps, malgré un pacte avec un Ange aux pouvoirs non négligeables, qui aurait même pu la remettre sur pied en deux heures si elle avait été une Humain tout à faire normale !

Dans tous les cas, le fait était que quand Eriol jugea qu'elle avait reprit assez de force pour voyager, elle dormait encore quand il les téléporta au niveau du Ranch.
Et vu qu'elle n'était pas du genre à se réveiller facilement quand elle était en mode "récupération", elle ne se rendit pas compte de l'arrivée plutôt... Chaotique avec son atterrissage loin d'être en douceur.

Elle ne réalisa pas non plus qu'elle était ensuite déplacée, avant d'être installée à l'ombre d'un arbre.
Non, là, elle dormait paisiblement, sans se rendre compte de rien.

Par contre, quand Achariel arriva et parla, elle eu comme un déclic qui la réveilla aussitôt. Après tout, ses pensées étaient surtout focalisées sur lui ces derniers temps, tellement elle s'inquiétait de ce départ soudain. Sans compter qu'Eriol lui avait fait part d'hypothèses à ce sujet qui étaient pas franchement rassurante.
Elle connaissait un peu le Gardien du Ranch, et savait qu'il pouvait avoir des réactions plus ou moins excessives, et surtout, un très, voire trop, grande part de culpabilité.

Prenant un peu de temps pour que ses yeux s'habituent à la lumière su soleil, bien que son cerveau analysa comme d'habitude la situation en un clin d’œil, elle finit ensuite par se relever doucement, encore un peu endormie, mais parfaitement capable de se rendre compte de ce qu'il se passait. Son regard tomba très vite sur Achariel, et il ne lui fallut qu'une fraction de seconde pour voir l'état plus inquiétant dans lequel il se trouvait.

"Achariel ? Qu'est ce qu'il vous est arrivé ?"

Fit-elle directement en se relevant, maintenant qu'elle avait les forces pour, pour ensuite se diriger vers lui, bien que restant à une certaines distance. Le ton dur de ses mots ne lui ayant pas échappé.
Mais bon, elle était du genre directe, et à savoir ce qu'elle voulait. Si elle s'était montrée bien plus calme ces derniers jours, ça risquait fort de ne plus durer très longtemps maintenant qu'elle allait de mieux en mieux chaque jour.

"Pourquoi êtes-vous parti aussi brusquement ? J'étais très inquiète pour vous ! Qu'est ce qui vous a prit ?"

Pour le coup, elle en oubliait complètement Eriol tien ! Ceci dit, elle n'était pas encore très habituée à ce pacte qui les liait, et là, elle avait été tellement inquiète pour Achariel que pour le moment, il était sa priorité. De toute manière, elle n'était pas du genre à oublier très longtemps, et elle avait déjà en tête de remercier Eriol pour tout, une fois que ces histoires seraient réglées.

Eriol avait continué de marcher vers la jeune femme quand la voix d'Achariel se fit entendre. Il laissa échapper une sorte de sourire de satisfaction. Il était soulagé de la présence de cet ange. Il savait dès qu'il avait vu Aranwë que l'ange se trouvait ici, mais malgré tout, la présence d'Achariel le soulageait dans l'objectif qu'il s'était fixé. Il savait que maintenant Aalu et Achariel pourraient parler se dire toutes les vilaines choses qu'ils avaient sur le cœur et se réconcilier de manière à ce que lui, Eriol, puisse, vu qu'il est lié par un pacte à la jeune femme, devenir ami avec Acha et pourquoi pas avec sa protégée aussi. En gros voilà qu'il avait non plus comme objectif de devenir plus sociable, mais seulement de devenir ami avec ces personne qu'il trouvait si étrange et qui l'avaient tellement marqué. C'est sûrement pour toutes ces raisons qu'il se permit de répondre d'une voix à la fois lasse et amusé à Achariel.

Ne sois donc pas stupide petit. Puis arrête de te croire persécuté, tu ne prends pas assez mes potions pour ça !!!

Eriol se retourna et avec un regard intense, sûr et complètement dingue, qui pourtant laissait entrevoir une certaine sagesse et le poids des années que son physique de jeune premier cachait, pour faire un pas vers le jeune ange. Il lui passa la main dans les cheveux et l'ébouriffa à la façon d'un grand père bienveillant.

Aaluna venait de se réveillée et s'adressa à Achariel. Elle semblait ignorer complètement Eriol et l'endroit où elle se trouvait pour ne voir que le jeune homme qui les avaient lâchement abandonnés deux jours plus tôt. Elle alla jusqu'à pousser l'indécence à se relever pour le rejoindre. Eriol les observa, il les laissa faire, il laissa juste échapper comme un murmure lorsqu'il croisa la jeune femme :

Bienvenu au ciel miss.

Puis il se précipita sur une des pommes qu'il avait discrètement volé à l'auberge, en échange d'un peu d'argent oublié accidentellement sur le comptoir, pour la ramasser. Il la coupa à l'aide d'une petite serpe d'or qu'il sortait encore de sa sacoche qui plus le temps passait semblait être sans fond vu la quantité de choses qu'elle semblait contenir. Il coupa donc la pomme en quatre morceaux dont il goba quasiment le premier, puis il interpella l'hybride équin.

Hey cornu volant t'en veux ? Attrape !!!

Il lui lança un morceau puis pour jour un peu il disparu dans un flash lumineux.

Si t'en veux d'autre viens les chercher.

Sa voix ou plutôt son hurlement pour se faire entendre vu la distance venait de bien au dessus, il s'était téléporté plusieurs dizaines de mètres dans le ciel et volait tranquillement. Il lança plus loin un morceau pour Aranwë en se disant que celui-ci voudrait sans doute jouer avec lui en volant dans les airs. C'était là une des grandes particularité d'Eriol, aussi surprenante qu'agaçante, il pouvait se comportait aussi sagement qu'un ancien et la seconde d'après être aussi intenable que le plus vicieux des diablotins. Il se mit à voler rapidement dans le ciel, en cercle pour attirer l'animal à ses trousses. Au fond de son esprit, de manière presque involontaire il faisait surtout ça pour oublier qu'il se trouvait dans un endroit qu'il n'aimait pas trop ou du moins dans lequel il se sentait mal à l'aise.

[désolé c'est un peu court mais je suis pas en forme ce soir]

[je trouve que ça va, personnellement !]

Achariel fut surpris par l'arrivée d'Aaluna qui n'était pas dans son champ de vision jusque-là. Si seulement les circonstances avaient été différentes, il serait parvenu à exprimer son soulagement de la revoir debout. Son regard se fit vide.

Il préféra aussi éviter la première question pour le moment, parce que si elle savait, là, elle ne serait plus du tout apte à écouter quoi que ce soit...ça lui faisait mal de constater les choses ainsi.

Il demeura silencieux, ne parvenant pas à trouver les bons mots encore, cherchant aussi à se maîtriser mais il sentait que de nouveau, il perdait le contrôle peu à peu...

Il fut d'ailleurs surpris par un geste d'Eriol, qui raviva légèrement sa plaie à la tête, mais ne broncha pas. Là aussi, dans d'autres circonstances, il aurait répliqué gentiment, à sa manière. Là, il essayait plutôt de traduire la situation...qu'avaient-ils donc en tête tous les deux ?

Il se souvenait d'une chose, qu'on lui avait dite quand il était enfant, c'était même son père, qui était certes très autoritaire parfois, mais aussi très aimant, mais avec un manque de tact parfois incroyable. Et comme son épouse était un peu caractérielle, ça faisait que parfois, la maison était assez animée par des discussions à fortes sonorité...et le père disait à son fils : "Au fil du temps, j'ai trouvé la meilleure chose à faire : quand il y a un malentendu, même léger, faut plus hésiter, faut tout dire, directement, au moins, comme ça, tout est clair pour l'autre personne et on peut mieux repartir sur des bases sûres".

Achariel n'avait jamais été de ce genre-là, il gardait souvent tout pour lui, de crainte de blesser les autres. Sauf qu'à force, c'était lui qui en pâtissait le plus...jusqu'à exploser.

Aranwë salua Aaluna d'un léger coup de museau dans l'épaule, plutôt satisfait de la revoir enfin debout. L'avantage avec les animaux, c'était ça : ils ne se prenaient pas la tête pour grand chose, et quand c'était le cas, ça ne durait pas longtemps, juste le temps que ça devrait prendre, le temps d'une querelle, généralement, et après, c'était oublié, la plupart du temps. Lui n'avait vu qu'une amie mal en point semblant souffrir souvent, alors du coup, oui, il lui faisait la fête à sa façon.

Bien qu'il s'éloigna très vite car elle semblait tendue et pas du tout d'humeur à ce genre de chose, et comme Achariel ne l'était pas non-plus, il songea à s'éloigner un peu le temps que l'orage passe, quand son attention fut attirée par Eriol qui essayait de l'avoir avec un quart de pomme. L'animal se fit avoir, râla un peu à cette surprise, avant de se décider à tenir compagnie à celui qui se mettait à l'écart. Les deux autres étaient ensemble, après tout, ils n'étaient donc pas seuls. L'autre ange si. Et comme il n'avait rien contre lui, la créature céleste décida de l'accompagner, pour lui faire oublier un peu sa solitude comme il le faisait si souvent avec son jeune maître.

En voilà un déjà plus "sociable" que l'autre. Fallait dire qu'habitué à Achariel depuis presque sa naissance, Aranwë ne craignait pas la présence de personnes.

Ce ne fut que quelques secondes qui parurent de longues minutes à Achariel qu'il parvint enfin à tout dire :

- Pourquoi vous étiez inquiète pour moi, après ce que j'ai fait ? Votre attitude m'est complètement incompréhensible...

Sincère, comme souvent quand il se donnait la peine de dire sa pensée. Il avait vraiment du mal à saisir, surtout qu'il était convaincu depuis le début qu'Aaluna ne faisait que faire semblant depuis le début, qu'elle ne le portait éjà pas en estime, même minime.

Il éclata alors, cette fois en tournant enfin le regard vers elle, ne tenant plus, ayant assez de tout garder, comme dans un vase, ça débordait...

- Dès le départ, j'étais sceptique à l'idée d'aller au Fleuve des Morts ! Vous avez insisté, je vous ai fait confiance, je n'ai pas insisté ! Ce que j'aurais DÛ faire ! J'aurais certes été sur votre liste noire, après ça, tant vous êtes butée ! Mais au moins, si je n'avais pas hésité juste pour ne pas vous contrarier, vous n'en seriez pas là, condamnée à avoir une âme liée à une autre qui n'a rien demandé, et qui ne méritait certainement pas ça !! Ce n'est pas donc UNE personne, mais DEUX, qui ont payé cette erreur de ma part ! Comment voulez-vous vivre avec ça, avec ce fait d'avoir condamné deux personnes d'une mauvaise manière juste...juste pour une STUPIDE hésitation pour ne pas dégrader encore plus la situation qu'il y avait déjà ?!

Bon, au moins, c'était sorti, pour une fois qu'il disait ce qu'il pensait réellement au fond de lui...le problème, c'était qu'il contenait pratiquement tout beaucoup trop longtemps, alors après, ça faisait l'effet d'une bombe à retardement. Quand ça explosait, ça explosait vraiment, et pas qu'un peu, à force de tout cumuler...

S'en rendant compte, il se tut soudainement, et se força à se calmer. Non, il ne devait pas réagir comme ça...il dévia le regard. Disant cette fois plus doucement, certes, mais le même ressentis s'entendait toujours :

- C'est exactement comme si vous vous apprêtiez à vous faire tuer par quelque chose, et que de mon côté, alors que je vois parfaitement le danger, j'ai hésité, et au final, le résultat est encore pire...surtout que quelqu'un d'autre s'y est jeté, finalement...Comment voulez-vous vivre avec ça, Aaluna ? Je ne souhaitais pas vous condamner...et finalement, je l'ai fait, comme un démon, malgré-moi, la seule différence, c'est que je regrette...sauf que ça ne sert à rien de regretter. Les choses sont faites...je suis condamnable, c'est tout. C'est pour cela que je suis parti. Après ce que je vous ai fait à tous les deux, je ne pense pas que je mérite de me représenter en face de vous. ça serait...mal. Et surtout pas correct.

Si seulement il y avait un moyen de rattraper le coup, il n'aurait pas dit, et plutôt tenté ce coup, justement, mais au final...

- De toute façon, c'était déjà fait, quelque part. J'avais beau chercher et proposer d'autres alternatives pour arranger les choses, c'était comme si mes paroles ne comptaient plus, que je n'avais plus qu'à subir les conséquences de cette fichue hésitation...qu'est-ce qu'il faut, pour se faire respecter avec vous, une puissance de magie curative suffisamment puissante ?! Il n'y a donc rien d'autre qui entre en ligne de compte ?! Comme les elfes, avec qui il faut être de telle façon pour avoir le droit à être pris au sérieux dans ses paroles ?!

Il pivota ensuite sur lui-même, s'éloignant de deux pas, le regard toujours aussi vide :

- Pour moi, je ne méritais même plus de vivre, après ça, après en avoir ainsi détruit deux autres qui ne le méritaient pas...je ne pouvais pas. Alors j'ai voulu mettre fin à cette histoire. En dissimulant le tout derrière un simple accident animalier, entre deux hippogriffes que j'ai provoqué d'un simple regard. Je ne me suis pas défendu. Sauf...que je n'en suis pas mort...Aranwë et les phénix se sont précipités et m'ont protégé. C'est là que j'ai compris une chose...

S'appuyant sur la clôture, toujours dos tourné, il termina :

- Mourir ne ferait qu'empirer les choses. J'ai compris que malgré-tout...il y a encore des êtres qui ont besoin de moi ici. Mourir serait les abandonner...empirant donc mon lot de crime. Je ne pouvais pas. Aranwë et les autres me l'ont fait comprendre...alors je reste, pour terminer ce que j'ai à faire. Mais...je ne peux plus me présenter devant vous deux. ça ne serait pas bien. Je vous ai assez causé de tord comme ça.

Il ne savait plus vraiment où il en était, en fait, et s'en rendait bien compte. A part ce qu'il venait de dire, qu'au final, il s'était résolu pour ses compagnons qui lui étaient resté décidément fidèles...et ça expliquait le reste des blessures, aussi, bien que ça restait à ce stade de simples plaies, pas grave du tout, grâce aux phénix. Personne n'avait vu le coup venir, mais ça avait quand même réagi. Et le temps que l'ange puisse revenir dans le monde des conscients, Aranwë était devenu incontrôlable, impossible à approcher par d'autres anges ou autres races de Mythra. Il s'était mit à l'écart quelque part dans le domaine, attendant le retour de son maître.

Achariel posa un coude sur la barrière, posant son front dans sa main, soupirant.

- A part ça...je ne sais plus ce que je dois faire. Puisque je ne peux même pas réparer mon erreur envers vous. Je ne sais même pas si vous êtes capable de comprendre ce que j'ai ressenti et ce que je ressens en ce moment.

Il avait horreur qu'une situation lui échappe. Enfin, on ne pouvait pas toujours tout réussir non-plus, mais bon, pour ça, il aurait quand même préféré le payer autrement...Eriol était certes un peu étrange, mais Achariel était convaincu qu'il n'avait certainement pas mérité ce genre de chose, à s'être imposé - même si à son avis, il avait un peu trop insisté tout de même - ce genre de chose...bref, il s'en voulait. Enormément, et avait bien du mal à vivre avec ça. Il avait agit en conséquence, et voilà qu'il avait un autre bout de chemin pour ne plus recommencer avant très longtemps. Il ne savait donc plus du tout comment aborder la chose, car vivre ainsi était quelque part assez invivable pour lui...

S'il s'était retourné, ce n'était pas parce qu'il ne voulait pas l'affronter, juste qu'il ne s'en sentait pas la force pour pousser l'audace jusque-là, trop mal pour ça.Encore une fois, dissimulation, ne voulant pas montrer son état interne qui cherchait à s'afficher vers l'extérieur...

Au moins, les deux autres pourraient mieux comprendre le sens de ses paroles de deux jours plus tôt, quand il disait qu'il ne méritait plus de se présenter face à eux...

Dès qu'elle fut à la hauteur du reste du groupe, Aranwë vint la saluer d'un coup sur son épaule. Geste auquel elle répondit en posant doucement sa main sur le museau de l'animal, répondant à Eriol.

"Merci, je sais très bien où nous sommes Eriol. Je suis déjà venue ici."

Lui fit-elle avec un petit sourire, avant de le laisser taquiner le pégase, qui le suivit dans les airs, la laissant seule face... A ce qui semblait être une sorte de problème à résoudre.
Sauf que du point de vue d'Aaluna, avec son caractère, ça ne lui faisait pas peur, même si elle sortait juste d'une passe assez grave.

Elle attendit que l'Ange réponde, ce qui ne tarda pas. Et ses paroles la figèrent sur place. La stupeur lassa rapidement place à l'agacement, la colère, pour ensuite passer au stade... Blasé.
Achariel avait vraiment le don de voir les choses d'une façon extrême, sans se rendre compte au final de la vraie réalité qui était pourtant juste au bout de son nez.

Elle le laissa déblatérer son flot de paroles, tout en le suivant jusqu'à la clôture, le laissant vider son sac. Il en avait besoin. Et c'était ce qu'elle voulait, elle avait besoin de comprendre, de toute façon.
Une fois qu'elle fut sûre qu'il eut terminé, et étant du genre à ne pas passer par quatre chemins, attaquant le mal à sa racine directement, elle posa une main sur l'épaule du Gardien du Ranch, l'obligeant alors à lui faire face.. Avant de lui foutre une gifle bien placée, qui résonna dans le ciel environnant. Parce que mine de rien, elle avait de la force, la Aaluna, grâce à son côté Hybride.

Et bien sûr, elle ne lui laissa pas le temps de protester, riposter, ou quoique se soit d'autre.

"Bon, maintenant que vous avez terminé votre délire, j'espère que ceci vous aura fait revenir sur terre, et j'espère aussi avoir retenu votre attention. Premièrement, si l'on devait tout reporter sur le dos de quelqu'un, ça devrait être moi. Jamais ceci ne serait arrivé si je n'étais pas affectée par cette magie. Moi aussi, je pourrais dire que j'aurai pu vous obliger à ne pas me suivre. Vous avez insisté. J'ai accepté votre aide, et je vous en remercie grandement, sûrement plus que vous ne l'imagnez, car sans elle, je n'aurai jamais pu traverser le Pandémonium. Je voulais vous le dire plus tôt, mais vous étiez déjà parti voir ailleurs."

Elle fit une petite pause, reprenant son souffle, tenant toujours Achariel par l'épaule, pour le dissuader d'avoir l'idée de se dérober. Puis avant qu'il ne puisse renchérir, elle reprit.

"Deuxièmement, vous condamner pour quoi ? Parce que j'ai dû faire un pacte avec un Ange ? A ce que je sache, il y a pire, et je pourrai même dire que c'est peut-être la meilleure chose qui puisse m'arriver avec l'état dont je suis victime ! Et d'autant plus si vous et moi tenions à ce que je survive. Ce n'est pas un pacte démoniaque. Pour le moment, nous n'en souffrons pas, Eriol et moi. Donnez vous la peine de regarder, et ça vous crèvera les yeux ! Au lieu de ne voir que ce à quoi vous pensez... Et je suis certaine que si vraiment quelque chose n'allait pas, nous pourrions rompre ce lien sans dommages. Jusque là, je ne vois pas où est le drame !"

Surtout qu'elle devait l'admettre, le soutient d'Eriol lui était réellement bénéfique, même au delà des raisons ayant poussées à ce pacte. Tant qu'ils étaient liés, elle pouvait espérer avoir une vie plus normale, moins marquée par les crises. Tout du moins, celles-ci pouvant désormais être diminuées. Quelque part, ça l'arrangeait, même si c'était égoïste. Mais elle ne l'était pas au point de retenir Eriol. S'il voulait partir, elle trouverai un moyen pour le libérer. C'était un Ange, pas un Démon. Il n'y avait rien de dangereux à ça. Le seul inconvénient, c'était qu'une fois le pacte brisé, elle se retrouverai plus vulnérable à nouveau...

Alors tant qu'on ne lui demandait pas le contraire, où tant que les choses ne devenaient pas compliquées, elle gardait volontiers ce nouveau lien.

"Troisièmement, vous êtes comme vous êtes, Achariel. Votre domaine est dans les animaux et non dans les soins, oui, et alors ? Personne ne vous blâmera et n'a à vous blâmer pour ça. Moi la première. Les circonstances ont fait que vous n'étiez pas assez puissant face à la situation que JE vous ai infligé. Et alors ? Est ce que je vous en veux ? Et bien NON ! C'est vous, et vous SEUL, qui vous imaginez le contraire ! Alors bon sang, secouez vous et regardez la réalité plutôt que de croire vos pensées erronées ! Vu l'état des choses, c'est un miracle qu'Eriol se trouvait là au bon moment. Ou plutôt, je dirais même que nous l'avons rencontré grâce à vous, car jusqu'au bout, vous avez fait votre possible, au lieu de rester à attendre comme je vous l'avais demandé. Si vous n'avez rien pu faire avec vos pouvoirs, vous avez tout de même provoqué cette rencontre ! Et si le scénario ne correspondait pas à vos attentes, l'objectif, lui, a été rempli. Il faudrait vous en réjouir au lieu de vous torturer l'esprit pour des futilités pareilles !"

Là, elle s'était montrée bien plus sévère, allant par moment jusqu'à le taper avec son doigt au niveau de son torse, genre "t'as intérêt de te rentrer dans le crâne ce que je te dis où ça va barder !".
Mais ce n'était pas encore le pire, car au point suivant, elle l’engueula carrément.

"ET EN PLUS DE CA, VOUS AVIEZ L'INTENTION DE MOURIR ?! ACHARIEL, VOUS ÊTES UN PARFAIT CRÉTIN !"

Dans le sens "hurler dans les oreilles", on ne pouvait pas faire pire. Mais là, elle n'en revenait pas. Il lui reprochait d'avoir un comportement illogique, mais lui alors, c'était quoi à côté ?

"Heureuse au moins de constater que là-dessus, vous avez apprit la leçon tout seul..."

Reprit-elle un peu doucement cette fois. Puis son ton se fit de plus en plus doux au fur des mots suivants.

"Il n'y a rien de plus à comprendre de vous Achariel. La conclusion est simple, vous n'êtes juste pas foutu de voir la réalité en face ! Celui qui doit comprendre quelque chose, c'est vous. Arrêtez de vous blâmer quand ce que vous vous reprochez n'a pas lieu d'être ! Au lieu voir ce que vous n'avez pas réussi, regardez plutôt ce que vous avez accompli ! Même si votre magie n'est pas assez puissante pour faire face à ce que j'ai, vous m'avez suivie dans le pire lieu qui soit pour m'aider. Et nous avons réussis, ensembles. Ça déjà, c'est quelque chose dont vous devriez être satisfait. Ensuite, je vous avais dit de ne pas vous inquiéter... J'ai été idiote, et par chance, vous ne m'avez pas écoutée. Là aussi, vous devriez être fier, car en tentant le tout pour le tout, je suis encore en vie aujourd'hui... Cette histoire de pacte ne devrait pas vous perturber autant. Nous sommes toujours libres, Eriol et moi. Vous ne m'avez pas laissée avec un Démon, mais avec l'un de vos semblables. Ce même semblable qui a accepté de me sauver. Où est le mal, franchement ? Il n'y a aucune erreur à réparer pour vous. C'est au contraire à moi d'assumer ce dans quoi j'ai embarqué Eriol, à cause de mes paroles rassurantes, mais irréfléchies. Ne prenez pas les choses pour vous. Vous avez déjà fait énormément. Personne ne peut être parfait."

Suite à ça, ayant démarré au quart de tour alors qu'elle n'était pas encore pleinement rétablie, et la mise au point ayant été assez houleuse, elle eu un léger malaise, qu'elle camoufla plus ou moins en une étreinte envers Achariel, comme pour le remercier, mais aussi le rassurer. Comme si elle était face à un jeune enfant qui croyait avoir fait une grosse bêtise juste parce qu'il n'avait pas pu tout contrôler, craignant plus que tout qu'on lui en veuille, alors qu'il était l'élément principal ayant permit une réussite inespérée.
Elle voulait effacer ce ressentit en lui, lui montrer qu'il avait tort sur une bonne partie de la ligne.

"Votre objectif était de me sauver non ? Pourquoi vous vous tourmentez comme ça alors que vous avez réussi ? Achariel, la vie est trop courte pour que vous puissiez vous permettre de vous inquiéter de la sorte sur le déroulement d'une histoire s'étant bien terminée... Ne gâchez pas ce qui est une issue heureuse. Pour ma part, je me considère extrêmement chanceuse de vous avoir rencontré."

Le "vous" pouvant aussi bien signifier le Gardien du Ranch seul, étant donné qu'elle le vouvoyait, qu'Achariel et Eriol réunis. A lui de voir quelle version il préférait entendre. Dans tous les cas, ses paroles avaient été sincères du début à la fin.
Le voir ainsi faisait un peu mal à la jeune garde, sans compter les trace de blessures apparentes sur l'Ange à cause de son idée aussi stupide qu'irréfléchie d'avoir tenté d'aller dans un autre monde...

Après tout ce qu'il avait fait pour elle, elle avait bien du mal à supporter de le voir ainsi, et espérait grandement qu'elle avait réussit à lui changer les idées.

Les derniers mots avaient été dit assez faiblement, presque dans un murmure. Après tout, ils ne les concernaient que tous les deux seulement. Mais aussi parce que l'inquiétude et l'énervement chez Aaluna, ça ne faisait pas très bon ménage. La révélation sur ce qu'avait tenté Achariel avait été un choc pour elle tout de même !
Du coup, pas franchement remise, elle était de nouveau en proie à une mini crise comme ça lui arrivait très souvent dans ce genre de cas, pour ne pas dire tout le temps.

Elle rompit donc l'étreinte qu'elle avait maintenue jusque là, et s'affala doucement sur le sol, gardant le contrôle de son corps, prenant appuis contre la clôture, l'air pas très bien, quelque peu fiévreuse comme à chaque fois, un peu pâlotte et tremblant légèrement, mais restant déterminée. Elle pouvait ressentir de légères décharges de magie noire, donc elle avait simplement décidé de faire une pause le temps que ça se calme un peu. Au pire, Eriol n'était pas très loin, elle pouvait donc se permettre de forcer un peu malgré tout.

Hors de question de lâcher Achariel tant qu'il n'aurait pas changé un minimum son point de vue sur cette histoire.

[... ARG ! X__x Record de longueur battu pour moi je crois x'D]

L'ange n'en pouvait plus, de ce genre de situation, ça lui était décidément bien dur. Depuis qu'il avait perdu sa famille à Elsran, ses tentatives pour s'ouvrir aux autres avaient chaque fois été des échecs, et en plus, avec le clou bien enfoncé par les elfes...
C'était principalement pour ça qu'Achariel ne jugerait jamais Eriol là-dessus, il était très mal placé pour ça. Il avait certes réussi à faire sa vie ici, même s'il n'avait pas eu les choses d'un claquement de doigts, il avait travaillé très dur pour obtenir cette place, mais ce n'était pas pour autant qu'il s'était forcément véritablement lié aux gens...à ce niveau-là, il avait toujours été seul...alors il vivait depuis des années et des années dans son monde, son univers où il retrouvait enfin un sourire, bien qu'intérieur. Disons que ce qu'il n'avait pas pu offrir aux autres, il l'offrait aux différents pensionnaires d'ici, et à Aranwë, décidément son meilleur ami en toutes circonstances, qu'il avait sauvé et adopté. Il avait bien grandi, en 5 ans, le petit...

Petit qu'il regrettait d'avoir failli laisser à l'abandon, au final, tant ses idées n'étaient plus très claires du tout...

Lui qui était d'habitude méfiant de tout, il ne vit pas le coup venir en se retournant, et se figea, de marbre, ne la regardant pas directement, mais se repliant de nouveau sur lui-même, redressant ce maudit mur dans la moindre situation où il n'était plus du tout serein. Comme si le temps s'était soudainement arrêté. La seule différence, c'était que cette fois, les mots parvenaient à l'atteindre, au lieu de se heurter à ce solide mur qu'il venait de redresser entre eux.

- Pourquoi rester avec une personne qui vous voit noir depuis des jours car en le jugeant à tord comme un tortionnaire et qui ne prend pas l'avis des autres en compte ?

répliqua-t-il, glacé, à la première partie, pour le "vous étiez déjà parti voir ailleurs". Même si c'était plus pour se "défendre" qu'autre chose, en fait, car s'étant de nouveau emmuré, voulant de nouveau s'éloigner de tout et se rendre inatteignable. Ce ton glacé était une façon de se protéger, exactement comme des arbalétriers tirant leurs carreaux derrière les créneaux d'un château fort. Pour continuer à protéger ce qui en était enfoui, pour se défendre de l'envahisseur.
Si on pouvait comparer à une image, ça serait bien celle-ci, les pensées ne l'étaient pas réellement, les mots étaient juste là pour tenter de se protéger. Encore.

Tout en voulant signifier que ça ne le touchait pas. Alors qu'en fait, si, bien au contraire ! Cette attitude glaciale en témoignait complètement.

Il aurait voulu mettre fin à tout ceci, car il en avait vraiment assez de souffrir comme ça. Mais cette main serrant son épaule témoignait du contraire. Alors il écouta la suite, toujours en restant fermé. Il réagit là plutôt vivement :

- Vous êtes complètement folle ! Vous lier comme ça avec une personne que vous ne connaissez absolument pas sans chercher d'abord à savoir si c'est vraiment une bonne chose ou pas, alors qu'il y avait d'autres solutions avec moins d'enjeux mais tout aussi efficace ! J'ai du mal à comprendre vos manies à tous de vous jeter les uns sur les autres pour en profiter, sans même chercher à savoir si c'est une bonne personne ou pas !

Non, ça, il ne le concevait vraiment pas. Eriol n'était certes pas méchant d'après ce qu'il avait pu voir, mais imprévisible, Achariel n'oublierait pas la façon dont il s'était jeté sur Aaluna d'une façon qu'il avait trouvé bien dégradante...ce qui lui faisait se demander si Eriol avait insisté pour ce pacte plus pour ça en partie, en plus de vouloir la sauver...parce que bon, la sauver, oui, il y croyait, ça, Eriol n'avait pas eu l'air de mentir là-dessus, à ce niveau-là, Achariel n'y voyait aucun problème. C'était plutôt de l'autre partie dont il se méfiait...après tout, des serpents qui essayaient de piéger leurs proies en les charmant avec des paroles rassurantes qu'on voulait entendre, il en avait rencontré, lorsqu'il avait quitté Landayën pour retrouver le Royaume Céleste. Alors oui, Achariel était méfiant, déjà qu'il l'était de nature...il était donc devenu du genre à ne plus se fier à 100% aux paroles, il attendait de voir les actes derrière avant de se faire une véritable opinion et d'accorder enfin sa confiance...ou pas. Pour le moment, il ne voyait pas à qui d'autre la donner complètement comme avec Aranwë...disons qu'Achariel aurait bien aimé aussi pouvoir offrir sa confiance à une personne véritable, aussi, et pas seulement à une créature céleste...

Enfin, vu qu'elle avait décidé d'y aller, il préférait lui ouvrir les yeux, puisqu'à ce moment-là, elle n'avait pas les idées nettes non-plus. Tout comme Eriol s'était jeté sur elle, elle, Achariel avait vraiment du mal à comprendre comment elle avait pu accorder ainsi une pleine confiance à une personne qu'elle ne connaissait absolument pas...pour sa part, il aurait été à la place d'Aaluna, il n'en aurait pas décidé ainsi, il aurait préféré avoir une autre solution, comme il avait tenté de proposer, et attendre de connaître mieux la personne avant de juger s'il pouvait lier un pacte ou non pour sa vie...

Aaluna ne se démonta pas, continuant à dire ce qu'elle pensait, insistant sur certains mots. Là, il ne répliqua pas, bien que détournant de nouveau le regard. Non, il supportait de moins en moins...il luttait intérieurement pour ne pas craquer, de nouveau. Chose qu'il ne tenait certainement pas à faire devant qui que ce soit...ils le prendraient pour un faible...

La jeune garde lui hurla ensuite dessus. Bon, ça non-plus, il ne répondit rien, après tout, il s'en était rendu compte, et il n'avait pas spécialement envie d'en rajouter. Mais oui, ça lui avait traversé l'esprit. Il en avait marre de souffrir comme ça. Surtout que ce n'était pas la première fois. Et quelque part, même s'il ne se pensait pas du tout le plus blanc qu'il soit, il était quand même bien convaincu qu'il ne méritait pas toutes ces atrocités qui le détruisaient intérieurement, et qui faisait qu'il avait tant de mal à se reconstruire aujourd'hui.

Il avait tenté, commencé, en se faisant sa vie ici, en devenant le Gardien du Ranch Céleste, là, il avait commencé à reprendre espoir. Puis d'un seul coup, tout s'était de nouveau effondré comme un château de cartes...alors oui, sur le coup, il avait craqué. Préférant mettre un terme à tout ceci et de recommencer à zéro, quand son âme se réincarnerait quelque part, pour avoir cette fois une vie simple, mais au moins heureuse, si possible. Il ne demandait vraiment pas plus...

Aaluna se calma un peu, tout du moins, sembla, continuant ce qu'elle avait à dire. Des mots qui faisaient mal, mais qui étaient nécessaires. Il lutta intérieurement. Son épaisse muraille semblait s'effondrer peu à peu au fil du discours...si bien qu'il se fit de nouveau surprendre, et son corps se figea pendant quelques secondes quand elle se plaça...contre lui.

Cette sensation, voilà plus d'une décennie qu'il ne l'avait plus jamais ressentie, qu'il n'avait jamais pu avoir l'occasion de le renouveler. Alors oui, du coup, ça faisait comme un choc. Surtout pour lui qui était très réservé et n'osait depuis des années plus du tout grand chose...
Elle se remit à parler, puis pour la première fois depuis des années et des années, ses bras se refermèrent sur une personne, bien que cette fois, c'était assez timide, tout de même. Tout comme elle voulait dissimuler un malaise, lui voulait dissimuler son expression faciale. Défaite. Il sentait déjà ses yeux le picoter un peu mais luttait de nouveau contre, comme il avait pris l'habitude de le faire. Il était hors de question de se montrer ainsi, surtout pas, c'était...inconcevable !

ça, l'éducation elfique qu'on lui avait imposé, et autant dire qu'entre 8 et 20 ans non-stop, même si on cherchait à se rebeller contre, ça s'incorporait dans l'esprit, tout de même. Et même si ça faisait 5 ans qu'il avait quitté Landayën, il n'avait pas encore passé assez de temps en dehors de cette ancienne vie ni eu suffisamment de proche pour l'aider à définitivement sortir de cette mentalité...le faisant passer pour le véritable froid de service incapable de ressentir quoi que ce soit. Alors qu'en fait, c'était bel et bien tout le contraire. Il n'avait juste pas encore rencontré les bonnes personnes...tout du moins, il avait cru, là, mais au final, il s'était de nouveau fait des illusions, et avait tout perdu, encore...

Aaluna reprit la parole.

- "Chanceuse"...

Ce fut la seule chose qui put franchir ses lèvres. Il demeurait assez sceptique là-dessus, un peu, vu les circonstances. Quand il la sentit s'éloigner, il la relâcha, un peu vite, tout en détournant le regard de nouveau, menant un autre combat, celui contre un redoutable adversaire nommé "embarras", qui amenait des pensées du style "Ce n'était pas à faire, je n'aurais jamais dû faire ça etc, etc".

Il l'entendit se laisser tomber contre la clôture. Achariel ne sut dire combien ce silence qui suivit dura. Mais après celui-ci, il finit par dire, doucement, essayant surtout de maîtriser le son de sa voix, se refusant à laisser s'échapper tout ce flot d'émotion comme on lui avait tant imposé de le faire car c'était soi-disant très "mal" :

- Je...je suis désolé...même si c'est très faible comme mot...mais je n'en connais pas d'autres qui...pourraient être plus adéquat à cette situation...il faut...que je parle à Eriol, mais...pourquoi m'avez-vous retrouvé ? Vous auriez pu me laisser tomber...comme les autres...

Il n'y parvenait tellement pas que oui, il avait du mal à comprendre ça. Il savait qu'il n'était pas des plus faciles, seulement, même avec quelques efforts de sa part, rien n'avait jamais bien duré trop longtemps...hors, il était incapable de s'épancher trop d'un seul coup. Il avait besoin de temps, pour s'habituer à la personne, laisser la confiance grandir avec le temps, afin de ne plus se gêner et...de pouvoir enfin être lui-même.

Il n'attendait que ce jour. Mais y avait-il réellement un espoir, cette fois ? Il ne tenait plus à subir des désillusions, surtout qu'elles avaient le don de toujours être extrêmement douloureuses...pouvait-il vraiment y croire, cette fois ?

"Je n'ai jamais vu noir sur vous Achariel. Quand au pacte, non, ça ne m'effraie pas, et je ne pense pas être folle. Vous savez, avec un passé comme le mien, on peut difficilement imaginer pire. Choisir un pacte avec un Ange, je pense que je avais assez ce que je faisais. Il y avait d'autres solutions, en effet. Mais aucune d'elle ne garantissait ma survie. Vous étiez assez bouleversé comme ça. Je ne pouvais pas prendre le risque de suivre votre directive, et de la voir échouer. Vous auriez été encore plus mal non ? J'ai compris ce que vous ressentiez à ce moment là. Mais dites vous que moi aussi, j'avais mes propres ressentis. Et ils étaient plus axés sur vous que n'importe qui d'autre."

Fit-elle avec douceur après quelques temps de silence, tout en se relevant tout aussi doucement, pour ne pas trop se pousser non plus, et aussi, parce qu'elle trouvait que ça ne se faisait pas vraiment de rester avachie comme ça, peut importe de quoi elle souffrait. Il y avait une personne de plus mal encore en face d'elle, alors elle pouvait bien faire l'effort de laisser ses soucis de côté.
Du coup, elle le regarda de nouveau avec insistance, léger sourire en coin de lèvre.

"Vous laissez tomber ? Alors que vous avez fait énormément pour moi ? Et que vous êtes parti le moral à zéro, au point de vous faire déchiqueter par vos Hippogriffes ?"

Comment elle le savait ? Et bien, elle n'était pas très ignorante non plus sur les animaux, et connaissant le monde du travail de l'Ange, ça semblait juste d'une logique évidente à ses yeux. Après tout, rare étaient des détails qui lui échappaient.

"Je ne suis pas une personne qui profite et qui part une fois ses objectifs atteints. Ma raison de vivre, c'est avant tout de donner un maximum de bonheur aux gens. Et voir une personne qui m'a tant apporté dépérir à ce point, je ne suis pas capable de le supporter. Cela vous va, comme raison ?"

D'autant plus que ce n'était pas cette même raison qui avait poussé Achariel à la suivre tout ce temps ?
S'il ne comprenait pas là, elle ne voyait pas ce qu'il lui fallait...

Achariel fut un peu surpris par la suite, finalement. Parce que depuis leur première altercation et les autres reproches qu'elle avait pu lui faire...il s'en était rapidement convaincu. Dans ce cas, il aurait pu la laisser tomber. Mais il l'aurait regretté...parce qu'il n'était pas comme ça. Une fois qu'il s'engageait à quelque chose, en général, il tenait sa parole jusqu'au bout, il n'en n'avait qu'une seule, d'ailleurs...ensuite, ce n'était pas son genre d'abandonner des personnes/êtres dans le besoin...parce que sinon, il aurait très pu laisser mourir Aranwë lorsqu'il l'avait rencontré par hasard sur son chemin agonisant tout bébé, né d'à peine quelques jours, blessé, baignant dans son sang. Il n'avait vraiment pas été beau à voir, et pourtant, Achariel l'avait recueillis puis sauvé la vie, avec patience.

Alors pourquoi ne serait-il pas du genre à aider d'autres personnes, comme Aaluna ? Surtout après ce qu'elle avait fait pour lui, contre le dragon...

Il avait donc pris sur lui, même si ça ne lui était pas du tout des plus agréable, encaissant tout, mais tenant sa parole et ses engagements. Alors oui, entendre sans hypocrisie - du moins, cela lui semblait-il - ce genre de phrase, "axés sur vous", ça ne lui faisait pas rien, contrairement à ce qu'il semblait faire croire physiquement.

Elle se releva, avant de continuer. Ne pouvant s'empêcher de trouver le "énormément" exagéré. Qu'avait-il fait de spécial, après tout ? Pas grand chose...à son sens. Réellement. Parce qu'il ne voyait pas en quoi proposer gîte et couvert complètement raté puis escorter dans le Pandémonium en commettant des erreurs, puis surtout le fait qu'elle en soit arrivée là parce qu'il n'avait pas voulu provoquer sa colère...il ne voyait vraiment pas en quoi il s'agissait de "grandes" choses.

Aaluna continua, à son rythme, vu son état actuel, faisant une allusion...qui faisait partie du genre d'allusion qu'Achariel comprenait parfaitement. Il avait toujours eu un esprit très vif, bien qu'il ne l'exprimait pas souvent non-plus. Là était son véritable problème, sortir de ces habitudes imposées pendant 12 ans chez les elfes, à ne jamais rien montrer de personnel. C'était un véritable enfer, pour lui, duquel il n'avait jamais su comment s'en sortir...ni réussi. Il en était parfaitement conscient, c'était le domaine où il avait beau faire, il échouait coup sur coup. Alors pour tenter après de nouveau, ça lui était très difficile...et bien plus que ce qu'on pouvait penser.

Mais il savait que si par miracle, ce blocage se détruisait, il se sentirait véritablement libre, libre comme il ne l'avait jamais été. Et c'était à la limite tout ce qu'il demandait.

Il décida d'être franc, au moins, sur ce coup :

- J'ignore ce que je vous ai apporté à part des choses qu'il ne fallait pas. Mais je comprends mieux votre point de vue...donc si nous partons sur cette base, je pense que je peux continuer sur ma voie. Mais sachez une chose, Aaluna...apporter le bonheur aux autres, c'est bien. Mais ne vous forcez surtout pas à le faire si ça doit vous porter préjudice. J'en ai fait l'expérience, et en voilà le résultat aujourd'hui. Je voudrais au moins vous épargner ça.

Un avertissement derrière, sur ce qu'il pensait réellement de la situation, et d'Eriol, un peu. Il savait l'ange loin d'être méchant, mais il ne connaissait trop peu encore pour pouvoir accorder sa confiance, bien qu'il ne le rejetterait pas. Le temps ferait les choses, et lui dirait s'il avait raison sur ses appréhensions ou pas. Mais comme en général, il avait bon instinct, du coup, il redoutait un peu. Au temps de l'apaiser et de le convaincre du contraire.
De toute façon, Aaluna avait décidé de sa vie, à présent, et il se disait que l'en empêcher serait stupide, et pas bien. Mais il pouvait au moins l'avertir...car en voulant trop donner, les personnes finissaient par en abuser, comme ça avait été son cas, bien que dans des conditions particulières encore. Mais à la base, c'était un peu la même chose...car une fois guéri de ses blessures et le corps enfin entièrement rééduqué, sauf ses ailes encore à cette époque-là, la première chose qu'il avait eu le malheur de demander, ce fut un : "Je vous remercie pour ce que vous avez fait pour me sauver. Que puis-je faire en retour pour que vous soyez heureux ?". Le tout une fois sorti de sa profonde détresse aussi.

Et au final...

"Ça ne m'a jamais porté préjudice..."

Répondit-elle simplement. Elle était du genre à assumer, et à continuer d'avancer. L'aide, elle ne la refusait pas. Mais elle faisait tout son possible pour être en accord avec elle même. Avant toute chose.
Sinon, jamais elle ne pourrait avancer. Déjà que par moment, c'était plus ou moins dur à cause de ses crises, alors si en plus, elle devait se prendre la tête à trop réfléchir alors que la solution était déjà prise au fond d'elle...

"J'espère au moins que maintenant, tout est plus clair dans votre esprit... Comment vont vos blessures ?"

Fit-elle alors en s'éloignant doucement du sujet. Il lui semblait comprendre que l'Ange en réalité cherchais quelque part à attirer un peu l'intention sur lui, comme si tout ceci lui avait été refusé durant de longues années. Et ce n'était pas impossible, n'avait-il pas dit qu'il avait grandit chez les Elfes ? Elle ne connaissait pas très bien cette race, mais du peu qu'elle en savait, ils étaient assez stricts, et fiers de leur sang...

Au final, ils étaient un peu pareils, tentant de trouver leur place en donnant aux autres ce que eux n'avaient jamais eu durant de longues années...
Si elle, on lui rendait ce qu'elle donnait, Achariel en revanche semblait ne pas voir de retours, ou alors, il les fuyait, en interprétant mal les choses...

Si elle pouvait lui apporter un peu de ce qu'il cherchait...

- Tant mieux pour vous alors. Je ne vous souhaite que ça.

Il restait sincère dans ses mots. S'il devait mentir, Achariel préférait se taire, dissimuler, plutôt que de prononcer des mots qui ne s'associaient pas à la vérité selon lui. Il avait certes ses défauts, mais était plutôt droit.

- Ce ne sont que des égratignures. Les phénix ont fait le reste. Rien de bien grave. Puis ce sont les risques du métier.

Il ne craignait plus, depuis, affrontant sans hésiter quand ça dégénérait. Il était là pour ça de toute manière. Mais quelque chose le turlupinait...toujours ce même sujet, quelque part, et l'attirance d'Eriol qui l'inquiétait. De toute façon, il ne pouvait plus faire grand chose à présent...sauf à tenter de la conseiller, bien que comme chaque fois, elle ne l'écouterait pas...il ne pourrait pas dire qu'il n'aurait pas tenté de la prévenir.

- Qu'avez-vous l'intention de faire, à présent ? Vu que certaines choses...ont changées...

Il se surprit aussi à ne pas trop apprécier l'idée qu'elle puisse tutoyer Eriol avant lui. Tout simplement parce qu'ils se connaissaient à peine, alors qu'eux avaient quand même accomplis des choses ensemble...et généralement, affronter un danger à plusieurs, ça rapprochait. Pas excessivement non-plus, mais tout de même. Alors quelque part, ça avait quelque chose de vexant, disons. Achariel était de toute façon d'une nature à ne pas apprécier les gens qui avaient de la facilité et qui s'en vantaient. Lui il galérait à une chose, par exemple, y mettait du temps, tandis qu'une autre personne, pour la même chose, a tout d'un claquement de doigt sans effort...

Il ignorait si c'était déjà le cas, mais il avait déjà son avis sur la question...

- Méfiez-vous tout de même. Un pacte influe pas mal. Vous êtes sensible et compatissante, et je crains que ça puisse vous mener là où vous ne vous y attendiez pas et que vous ne désirerez pas forcément. C'est à peu près tout ce que j'ai à dire là-dessus. Cette histoire m'inquiète assez.

"Ouai enfin, à votre stade, ce n'est pas vraiment une faute de manœuvre."

Fit simplement remarquer Aaluna à propos des blessures de l'Ange. Et il savait très bien ce qu'elle entendait par là. Enfin, ses phénix avaient dû lui sauver la mise, et il semblait tout de même en meilleure forme, c'était le principal.
Et si en plus, elle avait pu lui remettre les idées en place niveau moral, c'était la totale.
A son tour, il changea de sujet, lui demandant ce qu'elle comptait faire maintenant. Elle eu à peine le temps de réfléchir à la question, qu'il reprit avec quelques avertissements.

"Vous inquiéter ? Mais... Eriol est un Ange non ? Où est le problème à ce que je sois compatissante ? Et je ne vois pas pourquoi cela m'empêcherai d'aller où je veux."

Fit-elle vraiment étonnée par la remarque. Les Anges étaient des êtres bons de nature non ? Qu'est ce qu'elle avait à craindre, surtout par rapport à ce qu'elle avait vécu dans le passé... Elle se disait que ça ne pouvait pas être pire, alors à partir de là...

Toutefois, si elle était très perspicace sur certaines choses, elle l'était un peu moins pour d'autres, parce que pas élevée dans cette mentalité là. Mine de rien, durant plus de 20 ans, le Démon qui l'avait séquestrée lui avait mit bien d'autres priorités en tête. Ce qui lui avait donc donné une jolie force d'esprit, mais ça la rendait un peu ignorante sur pas mal d'autres choses.
Elle ne connaissait pas très bien Mythra et ses peuples, par exemple. L'histoire du pays non plus n'était pas de son fort. Quand au mode de vie des Humains, elle avait un peu apprit sur le tas. Si elle s'en sortait très bien, il lui manquait certaines notions...

Et donc ne voyait pas toujours les problèmes là où ils pouvaient avoir lieu. Sauf que bon, loin d'être idiote non plus, elle pouvait très bien se défendre sur le coup, parce qu'elle voyait venir les choses à l'avance très facilement quand même ! Et qu'il ne fallait de toute façon pas trop la chercher non plus. Bien que son gros soucis, c'était qu'elle pouvait être par moment vraiment vulnérable...

Mais là, elle ne comprit donc pas le sous-entendu d'Achariel. D'autant plus qu'elle ignorait le pourquoi de sa méfiance envers Eriol. Un cause d'un seul geste. Durant lequel elle était inconsciente. Et dont au final, elle n'avait pas entendu parlé vu la suite des choses très... Mouvementées. Mais il était sûre qu'elle ne verrait peut-être pas tout ça de la même manière si elle avait été plus lucide sur le coup.

Comme quoi des fois, elle pouvait être très naïve, si elle n'était pas devant le fait accompli.

"Vous avez dû vous rendre compte qu'il était très difficile de me faire changer d'avis non ?"

Reprit-elle alors avec le sourire.

"Enfin, je ne sais pas encore quoi faire pour le moment... Me reposer, je pense... Après tout ça, je doute qu'il soit très prudent de reprendre ma vie normale."

Après tout, cette dernière épreuve n'avait pas été sans grandes conséquences sur son métabolisme. Si elle allait mieux, elle restait encore très faible, et très sujette à des malaises plus ou moins importants. Même en l'instant actuel, elle n'était pas vraiment en pleine forme non plus. La discussion ayant été mouvementée, elle avait un peu de mal à tenir sur ses jambes, et cela se voyait, vu qu'elle s'appuyait contre la clôture.

Donc non, ce n'était pas prudent de reprendre ses fonctions de garde. Au moins un point où tous tomberaient sûrement d'accord !

Achariel ne répondit rien à la première remarque. ça, il savait. Parfaitement, même.

Ce fut plutôt sur la suite où il vit qu'il devrait s'expliquer un peu mieux. Il ne tenait à ne blesser personne, alors il décida d'être franc, bien que toujours pas sur son ressenti personnel, cette façon d'être s'étant intégrée en lui par le biais des elfes. ça, l'ange, voudrait bien enfin détruire cette barrière pour ne plus craindre de montrer quoi que ce soit...même de la joie ! Petit, il n'y avait rien de tout ceci, quand il était content, il ne s'était jamais privé pour le faire voir, et quand il faisait la gueule, non-plus. Depuis les elfes, ça avait tout changé...plus rien, ou presque ne se dévoilait, et ça lui portait décidément bien préjudice.

- Oui, à priori, vous ne craignez rien. Eriol ne sera pas le genre d'ange à vous faire du mal. Bien au contraire. En ça, j'ai confiance en lui. Car c'est quelqu'un qui en plus ne semble pas avoir été influencé par les mauvaises idées de certaines sociétés dans lesquelles nous vivons aujourd'hui. Sa vision des choses est différente. Ce que je crains, c'est justement cette vision des chose, vu ses premiers gestes quand nous sommes tombés sur lui. Je crains que cette vision qu'il a ne soit faussée, et qu'en allant dans ce sens, il vous blesse, certainement pas physiquement, mais aussi, lui-même, pour la peine, bien que ce tord, ça sera lui qui en souffrira plus que vous, je pense. Et je pense aussi qu'aucun de nous deux ne lui souhaitons ça. J'ai l'impression qu'il ne connaît pas certaines limites. S'il s'avance, ça ne sera pas dans le but de vous faire du mal, ça, j'en suis plus que certain. Mais dans votre vision à vous, de par ce que vous avez vécu en plus dans le passé, vous risquez de ne pas voir les choses de la même façon...du style mauvais oeil, vous voyez, alors que lui sera inconscient du tord qu'il vous causera personnellement.

Il ne savait pas trop comment expliquer autrement sans la bouleverser. Niveau protection, là pour elle, et ce genre, aucun soucis, puis Aaluna savait se défendre. Comme il le disait, là-dessus, Achariel avait confiance, Eriol avait suffisamment prouvé sa bonne foi là-dessus.

- Après, je m'inquiète peut-être un peu trop, ce que j'espère, réellement, car ça serait dommage que cela puisse tout gâcher juste à cause d'une vision des choses différente incompatibles. C'est juste un avertissement que je vous donne. Après tout...je ne peux rien faire d'autre. Il y aura toujours cette distance entre nous, à mon avis...je vous dit juste que parfois, trop de bravoure ou d'attention peut aussi blesser, et parfois plus que du mal. Sauf si, autre cas, votre estime l'un de l'autre finisse par concorder. Dans ce cas, je n'aurais plus rien à dire, à part juste un tant mieux pour vous. Et dans ce cas...je m'éloignerai, peu à peu, jusqu'à ce que ça soit définitif. Je ne tiens pas à faire d'ombre malgré-moi. Déjà que lorsque je tente d'aider et de prévenir, je semble en causer...rassurez-vous, cette fois, je ne chercherai pas à quitter ce monde. Parce que je sais que j'en ai au moins toujours un sur lequel je pourrai toujours me rabattre, si je ne parviens pas à aller vers les autres. C'est déjà ça de gagné.

Son univers à lui, chez lequel il avait développé depuis son adolescence un lien très particulier avec les différentes créatures du Mythra qu'il rencontrait. Les elfes étaient après tout très proches de la nature, ça lui avait développé cette faculté-là. Il ne tenait pas vraiment à en arriver là, car justement, son désir était de pouvoir enfin sortir de cette prison de glace dans laquelle il s'était barricadé pour se protéger pendant des années et des années, sauf qu'à présent, il ne parvenait plus à en sortir tant il l'avait solidifiée...

Alors il cherchait, voulant faire des efforts, voulant aller vers les autres, mais il se rendait compte que chaque fois, il manquait quelque chose, ce fameux petit quelque chose qui faisait tout tomber à l'eau. Et ça, il n'en pouvait plus. Mais alors, vraiment plus, il saturait. D'où son acte insensé de la veille. Les derniers événements avaient été de trop. Un peu comme si chaque fois, quelque chose lui disait de rester à la place qu'il s'était trouvée, que ça serait la seule où il serait accepté, véritablement et profondément, et qu'il n'y avait pas de place pour lui dans les autres univers où il désirait aller, pour s'épanouir, comme tout le monde. Disons que la solitude lui pesait pas mal, depuis plus de dix ans, voir même presque le double.

- A vous de prendre la chose comme vous le souhaitez. Je vous préviens juste qu'un jour, votre vision différente des choses risque de poser des problèmes. La seule différence, c'est qu'Eriol n'en sera pas conscient, car je vous le redis : il n'aura pas de mauvaise intention derrière ses actes, contrairement aux personnes issues de nos différentes sociétés. Il risque fort de ne pas se rendre compte que certains en particulier pourront vous causer du tord à tous les deux, et surtout à lui. Et entre nous...il ne mérite pas tout ça, vous ne pensez pas ?

C'était son point de vue, son analyse des choses. Eriol n'était pas mauvais, du tout, même, mais complètement à part, il fallait le dire. Comme un véritable enfant sans aucun repère. Et ça serait justement ces repères qu'il se mettrait logiquement à chercher inconsciemment peu à peu, et ça, ça risquait un jour de créer des embrouilles entre Aaluna et lui. Aaluna pourrait même très mal réagir, alors qu'Eriol n'avait pas pensé à mal derrière, du coup, il aurait du mal à comprendre une mauvaise réaction. Enfin, c'était ce qu'Achariel supposait, d'après tout ce qu'il avait pu voir et analyser.

Pour tenter de lui donner une idée de la chose, il lui demanda :

- Loin de moi l'idée de me mêler de votre vie personnelle, mais par exemple, comment avez-vous réagi lorsque vous avez vu un humain - homme - pour la première fois de votre vie ?

Car bon, séquestrée, elle n'avait pas dû voir des humains, par logique. Alors en sortant du Pandémonium, elle avait dû être surprise, même si elle devait peut-être se douter qu'il y avait d'autres êtres qui avaient ses caractéristiques plus ou moins.

- Selon votre réaction à ce moment-là, alors vous pourrez comprendre là où je veux en venir.

Pour la première fois, elle devait avouer qu'elle se sentait un peu perdue par la discussion. Elle avait l'impression de comprendre sans comprendre, à cause de certaines notions qui lui manquaient. Face à la situation, elle pouvait réagir sans aucun problème, mais face à des mots tentant de lui expliquer sans exemples précis, c'était déjà un peu plus difficile. Elle n'avait pas vraiment eu d'éducation non plus.
Tout ce qu'elle avait connu de la vie, c'était la torture et l'obéissance. Bien que son intelligence s'était aussi développée, lui permettant de se protéger et de réaliser certains points, ce n'était que sa vision des choses, et elle était loin d'être complète.

Si elle avait un immense recul et une façon de voir la vie qui lui permettait d'être heureuse et bien dans la peau malgré 20 années de cauchemars, elle ne connaissait pas pour autant tous les dangers issus du monde Humain.
Elle pouvait les deviner, elle était garde après tout, alors des horreurs d'un point de vue humain, elle en avait vues ! Mais comparé à ce qu'elle avait vécu, ça lui semblait bien peu de choses.
Résultat, elle n'était pas vraiment inquiète pour elle, se sentant parfaitement capable d'encaisser, l'ayant même fait, jusque là, notamment par rapport aux moqueries face à sa "maladie". Elle avait encaissé, pour ensuite se faire respecter.
Dans un sens, elle avait énormément de chance... Au moins, elle ne vivait pas dans l'horreur de son passé.

Après quelques secondes de réflexion, elle tenta de répondre au mieux, bien que persuadée que même avec tout ça, elle ne voyait pas réellement ce qu'il tentait de lui dire.

"Ses premiers gestes ? Et ben, il m'a aidée non ? Et puis, si nos points de vue ne s'accordent pas, il suffit simplement de s'expliquer avant que ça ne s'envenime, je ne vois pas où c'est un problème !"

Pour elle, c'était aussi simple que ça. Et c'était comme cela qu'elle avait eu la chance de vivre depuis son arrivée sans Mythra, sans vraiment se rendre compte qu'elle avait toujours été du très bon côté de la balance, parce que vu comment elle était, elle aurait pu tomber de haut de nombreuses fois...
Sa force de caractère était vraiment un de ses meilleurs atouts, ce qui lui donnait aussi beaucoup de confiance.

"Et puis, pourquoi vous sentez vous obligé de vous éloigner ? Je ne vois pas où est le soucis de rester ami ! Ce n'est pas la présence d'Eriol qui décide de ce genre de chose à ce que je sache."

Ça aussi, ça lui paraissait complètement logique. Eriol ou non, elle avait le droit de voir qui elle voulait voir non ? Elle se considérait libre à présent, et personne n'avait intérêt à l'entraver. Ça, elle avait assez donné, assez attendu. Maintenant qu'elle s'était échappée d'un monde où elle n'avait le droit de rien faire à part subir et obéir, elle ne comptait pas y retourner.
Bon, n'ayant pas les mêmes notions sur les Humains sur le plan relationnel, elle ne pouvait pas comprendre réellement les mots de l'Ange, et pourquoi il disait vouloir s'éloigner. En fait, elle ne comprenait pas ce genre de sentiment tout court.

Même le terme "ami", elle ne savait pas vraiment ce qu'il signifiait vraiment. Pour elle, une personne en qui elle pouvait confiance était un ami. A ce niveau là, elle pouvait dire que tous les hommes de sa patrouille de garde étaient ses amis, son supérieur aussi, ainsi qu'une bonne partie des gens de la Cité Marchande, vu qu'elle s'entendait avait énormément de monde. Elle ne faisait pas la différence entre connaissance, copinage, amitié, quant à l'amour, il ne fallait même pas en parler, elle ne savait pas vraiment que ça existait.

D'ailleurs, ça ne l'intéressait même pas. Elle voyait le principe, mais l'idée de n'être qu'avec une seule personne ne lui plaisait pas trop. Elle voulait voir du monde elle, être libre, aller où elle voulait quand elle le voulait, bref...
Ça ne lui effleurai pas l'esprit tout ça, alors forcément...
Même le pacte, elle le voyait comme quelque chose qui pourrait l'aider à aller mieux, et donc mieux vivre comme elle l'entendait, et non comme quelque chose "d'appartenance". Elle se jugeait libre, et jugeait Eriol libre. Et elle voyait Achariel exactement de la même façon, ni plus ni moins.

Là où les gens habitués aux relations voyaient des différences, elle, elle mettait tout au même point. Ce qui pouvait être un bon point, comme un très mauvais, même si malgré ça, elle était très loin d'être naïve. Elle l'était, oui, mais de là à ce que les gens puissent en profiter, il y avait une belle marge...

Donc non, elle ne comprenait vraiment pas l'inquiétude du Gardien par rapport à tout ça.
Pourquoi il s'en faisait autant par rapport à ce pacte, et pourquoi il disait devoir s'éloigner. Pour elle, ça n'avait pas le moindre sens.
Il lui posa ensuite une question qui la déstabilisa encore plus. Si ça devait l'aider à comprendre, c'était... Loupé.

"Hein ? Ben, j'ai pas vraiment réagit parce que quand le garde m'a recueillie, j'étais inconsciente à quelque mètres de la Cité..."

Répondit-elle en rigolant. Sûr que là, forcément... Toutefois, elle détailla.

"Quand je me suis réveillée, il y avait plusieurs personnes autour de moi. Des Humains, et des Anges, et tous tentaient de me faire aller mieux. J'ai peut-être vécu au Pandémonium, mais j'avais un peu apprit comment marchait le monde à la surface. Donc après, j'ai juste eu à m'adapter. Et qu'est ce que ça change que la personne en face de moi soit un homme ou une femme ? Tant qu'on ne me cherche pas, je ne vois pas où est le problème... Les êtres humains sont tous pareils dans le fond... Non ?"

Enfin, sans le vouloir, elle avait quand même dit qu'elle était plus ou moins consciente des éventuels dangers, sans les voir. Il ne fallait pas la chercher, c'était tout. Parce que même si sa façon de penser et de voir laissait penser à celle d'une petite fille innocente et naïve, ce n'était... Pas vraiment le cas. Elle avait grandit dans l'horreur du Pandémonium après tout... Au final, elle était préparée mieux que quinconce aux plus difficiles épreuves... Et surtout, elle savait les voir venir. Sinon, pourquoi était-elle garde ? Sauf qu'elle ne le montrait absolument pas, ce qui expliquait donc l'inquiétude que l'on pouvait avoir pour elle. Elle cachait terriblement bien son jeu... Sans le vouloir.

Achariel aurait pu s'en rendre compte si elle avait été consciente au moment où Eriol l'avait embrassée, même pour l'aider. Elle lui en aurait collé une, et ne se serait pas gênée pour lui faire la morale... Sans forcément être méchante, il voulait l'aider après tout, mais elle aurait été très claire.
Ou encore, s'il avait eu l'occasion de la voir faire certaines patrouilles. Elle analysait plus rapidement que quiconque, et agissait en fonction. Ce n'était plus la même personne dans ce genre de cas. C'était comme cela qu'elle avait surprit tout le monde dans la garde, et qu'elle avait obtenu un promotion en quelque mois. Même si elle était mal après chacune de ses missions.

"Vous savez Achariel, je crois que vous vous faites des idées sur moi. J'avoue, je ne comprends pas trop ce que vous tentez de me dire. Mais croyez moi, si jamais un danger survient, je le verrai venir. Tout comme rien ne vous oblige à prendre de la distance si vous n'en avez pas envie. Ne vous compliquez pas la vie avec des pensées inutiles. Faites simplement ce que vous avez envie de faire, sans vous forcer."

Bon, elle espérait ne pas avoir trop été à côté de la plaque. Mais c'était bien tout ce qu'elle pouvait dire réellement sur le moment.

Aaluna ne semblait décidément pas comprendre...Achariel pouvait un peu comprendre, mais il ne tenait pas à la blesser. Ni elle, ni Eriol, dont il trouvait que ça tombait très bien qu'il soit dans le ciel avec Aranwë, loin. Parce que ça...il préférait en parler seul à seule avec Aaluna.

Il eut toutefois une légère mine satisfaite à sa première directive, qu'il approuva :

- Si vous parvenez à lui expliquer, alors c'est ce qu'il faut. ça vous évitera des désagrément qui pourraient être plutôt durs. Ensuite, quand je m'éloigne, c'est quand les personnes que je côtoie préfèrent d'une manière à priori définitive de changer de vie. Puis avec tout ce qu'il s'est passé, j'avoue que j'aurai un peu de mal. Ne cherchez pas pourquoi. Moi-même ne comprend pas trop à ce niveau-là...

Si tous les deux parvenaient à s'expliquer...eh bien tant mieux ! Il s'inquiétait peut-être un peu trop, du coup. Cette perspective le soulageait. ça, c'était le plus important. Le reste...ça lui ferait un peu mal, comme par exemple ce fait qu'Eriol se rapproche bien plus rapidement que lui d'Aaluna, et que du coup, le tutoiement lui revienne à lui en premier juste après quelques tours puissants pour sauver la vie, alors que lui était là depuis plus de temps et l'avait accompagnée dans le danger...ça, dans le fond, ça ferait mal. Et ne pourrait pas s'empêcher de remettre de la distance. Il avait toujours été ainsi. Dès qu'il allait mal, il n'osait plus, ne voulait pas blesser les autres, alors il faisait la pire des choses : il cachait, dans l'espoir que personne ne sache, pour ne pas les décevoir, alors qu'au final...bref, il n'était pas encore habitué au contraire.

- Oui, il a fait tout ça dans le but de vous aider. Mais il ne vous considère pas vraiment comme une amie, Aaluna. Mais bien plus que ça. En croyant qu'il vous considère ainsi. Il est inconscient de certaines choses...je vous demande juste de ne pas vous faire souffrir l'un l'autre. Mais si vous me dites que ça ira...eh bien je vous crois.

"Mais je n'ai pas l'intention de changer de vie !"

S'exclama-t-elle en réponse à sa première remarque. Elle ne comprenait décidément pas où il allait chercher tout ça celui-là... A se prendre autant la tête, pas étonnant qu'il souffre bien plus que ce qu'il le devrait ! Ça au moins, elle était en mesure de le comprendre !

"Si vous voulez qu'on reste ami, dites-le simplement, et je viendrai vous voir de temps de temps. Ou alors, rien ne vous empêche de passer chez moi, c'est aussi simple que ça vous ne trouvez pas ?"

Oui, pour elle, c'était ainsi que devaient se passer les choses. Elle n'allait pas le refouler non plus ! Il l'avait hébergée chez elle un petit moment, elle pouvait lui rendre la pareille hein ! Et s'il ne pouvait pas laisser le Ranch plus de quelques heures sans surveillance, et bien elle, elle viendrait, ça ne lui prenait pas longtemps avec un téléporteur !

De son point de vue, tout était de toute façon très simple.

"Plus qu'une amie ? Ben... On a un pacte de toute façon, donc c'est logique qu'on soit plus proches d'une certaine façon, mais je ne vois pas non plus où est le problème. Je reste libre, et lui aussi. De la sorte, je ne vois pas comment on peut souffrir."

Bon, c'était pas gagné. Elle en fait, elle craignait de le restreindre, le Eriol, avec ses fichues crises. Par contre, l'inverse, elle n'y pensait pas une seule seconde, peut-être parce que dans son esprit de toute façon, elle n'avait pas dans l'idée de se laisser entraver par lui... Ça lui semblait tellement logique, et étant prête à remettre les choses en place directement, elle ne parvenait décidément pas à voir la source du problème.

"De toute façon Achariel, sachez que je compte rester le seul maître de la propre vie. J'ai perdu des années de libertés avec un Démon. Les années qu'il me reste, je ne veux les donner à personne, qu'il soit Humain ou Ange. Je ne serai plus la prisonnière de qui que ce soit, soyez en sûr !"

Sauf que là, elle voyait ceci dans le premier sens du terme, sans vraiment savoir qu'il y avait quelques variantes, dans le monde des Anges et des Humains...

"Vous êtes rassuré maintenant ?"

Eriol n'avait plus du tout suivi la conversation depuis un très long moment. Il continuait de penser que Aaluna et Achariel avaient des choses plus importantes à se dires, des choses qui si elles le concernaient auraient tôt fait de lui être dites. Pour l'instant il ne sentait pas concerné, les mots qui se disaient n'avaient de valeurs qu'aux oreilles de ceux qui les échangeaient. Il n'était entre ces créatures qu'une pièce rapportée par accident et n'avait pris valeur en fin de compte que lorsque celle de la jeune femme fut liée à la sienne et donc la rehaussa. Il se sentit presque inutile durant cet instant.

Eriol se sentait tout de même bien ici, dans les airs, volant, fendant l'air comme une danse dans les bras du vent. Il tournoyait au grès des jeux avec la créature hybride, lui lançant par moment quelques morceaux de pommes. Au départ certes ce fut pour les éloigner et laisser ces enfants discuter, mais il s'était pris au jeux et ne voyait plus le temps passer. Il s'amusait même à défier amicalement la créature, la laissant charger pour se transporter un peu plus loin à la façon d'une matador céleste. Ils faisaient la course par moment et Eriol s'amusait à tricher pour faire râler l'animal en se téléportant pour gagner du temps. Voilà bien l'un des défauts de l'ange, lors d'un amusement il usait et abusait souvent de ses pouvoirs, cela ne l'avait certes jamais mis en mauvaise posture, pour l'instant, mais il finirait par le payer au prix fort.

Il fouilla un instant dans sa poche et attrapa ce qui semblait a toucher un petit bout de viande calcinée restante d'un peu plus tôt de la journée. Il la sortit et sans regarder croqua dedans à pleine dents. Il eut un instant de flottement, une sensation de brulure dans l'estomac et se mit à vomir une pluie d'acide gastrique dans un borborygme dégoulinant. Il se tenait le ventre et avait les yeux fermé le temps que son corps évacue le poison tenace qu'il venait d'ingurgiter. Il se tordait de douleur au rythme des convulsions qui faisait pleuvoir le liquide organique sur les plaines du ranch céleste. La sueur perlait sur son front et lorsqu'il lâcha une dernière fois un râle crépitant digne de l'orgasme d'un plantigrade dévergondé il se mit à pleurer.

Lorsque les sanglots aux geignements digne d'une fillettes devant l’émission mon petit poney en steak tartare eurent cessés, il se mit à observer le morceau restant de ce qu'il venait de consommer. Il s'agissait en fait d'un chapeau de champignon séché, blanc, environ une demi-douzaine de centimètre de diamètre, irrégulier et pas vraiment d'odeur. Il vit la ligne d'horizon se déformée comme sous les effets de l'alcool, un effet donc sur le foie. Il écarquilla les yeux sous l'effet de la panique. Ce champignon tuerais un homme facilement et avait peu de chance de le tuer, surtout avec sa résistance aux poisons, mais il risquait une chose que l'ange redoutait plus la mort. Il se mit à trembler rien qu'à l'idée d'évoquer cette idée en pensée. Il s'agissait de ce qu'il haïssait le plus au monde après l'omelette aux poivrons. Il lâcha un hurlement de panique qui résonna dans tous les environs. Il risquait la diarrhée.

Il semblait complètement saoul, sa vision était perturbé comme la plupart de ses sens, et il volait en direction du sol, trop vite et dans un zigzag irrégulier qui lui donnait l'air d'une mouche géante devant une ampoule. Il avait mangeait un "ange de la mort" l'un des champignons les plus toxique qui soit, il devait rapidement trouver un truc pour ralentir les effets et surtout, pour lui filer la constipation du millénaire. Il fit un piquet en flèche vers l'arbre sous lequel se trouvait sa sacoche. Bizarrement, il fit un arc comme pour contourner le feuillage mais le fit dans le mauvais sens. Il y eut un bruit de feuille, suivi d'un grand "boum". Il avait voulu atterrir, les pieds en avant, et n'avait pas vu la branche la plus basse et la plus large de l'arbre qui parvint à se glisser à la place où chaque mâle cache sa véritable sensibilité. Il y eut un craquement qui ne semblait pas vraiment provenir de la branche. Eriol avait la virile et ridicule expression d'un cavalier juste avant son expulsion de la bête, lors d'un premier rodéo. Il glissa finalement de la branche par le coté, la souffrance ne lui permit d'amortir sa chute qu'in-extrémis avec son visage. Il se releva difficilement et agrippa sa sacoche avant de se diriger vers les deux jeunes personnes. Il avait la démarche assurée et chaloupée à mi-chemin entre le cavalier trop zélé et le crabe de rivière.

Je, je dois aller faire un truc, si y'a besoin euh... je pense que je le saurais. A plus tard!!!

Sa voix rocailleuse et douloureuse ne laissait aucun doute sur la sensation qu'il devait ressentir surtout depuis sa rencontre malencontreuse avec cette branche qui traversa sa piste d’atterrissage. Il disparu dans un flash lumineux qui ne fit pas "plop" cette fois ci mais plutot une sorte de "ploumf" proche de la goutte d'eau du lavabo.

Aranwë n'avait jamais été un animal agressif. Sauf quand on touchait à son maître, auquel cas il devenait incontrôlable, sauf par celui-ci uniquement. Au contraire, l'animal n'hésitait pas à approcher les personnes, et à répondre aux différents jeux proposés. Ce qu'il n'avait pas du tout été petit, très craintif, ce qui était logique, vu dans quel état Achariel l'avait trouvé...presque mourant, dans un état horrible à voir.

Achariel avait dû d'ailleurs se la jouer fin pour pouvoir le recueillir sans que la créature puisse se débattre. Jusqu'au final développer un très fort attachement. Si au début, la créature n'approchait qu'Achariel uniquement, même adulte, il avait toutefois changé depuis qu'ils s'étaient installés tous les deux ici. Vu qu'il y avait toujours des visiteurs, Aranwë s'était fait une raison, tout le monde ne pouvait pas être que mauvais. Alors ce fut tout naturellement qu'il poursuivait Eriol sans se fatiguer.

Achariel ne pouvait s'empêcher de temps en temps de scruter le ciel, justement, pour le voir, ainsi que quelques autres créatures célestes qui sillonnaient le ciel. Simple habitude prise avec son nouveau statut. Et vu l'hygiène d'Eriol, quand il le vit vaguement lancer quelque chose à Aranwë qui le mangeait, l'ange espérait que ça ne soit pas des choses périmées, abîmées, dans le genre. Il y avait des choses dans lesquelles Achariel était certain de pouvoir faire confiance à Eriol. Mais d'autres non. La nourriture en faisait partie.

- Je pense que vous comprendrez si ça vous tombe dessus un jour. Pour le reste, oui, je vous fais confiance. Ensuite, je n'ai aucune réticence pour donner mon amitié. Ne m'en voulez juste pas pour mon ignorance là-dessus, car je suis très novice dans cette matière...et cela fait parti des choses qui ne s'apprennent pas dans des livres.

Toutefois, ça ne signifiait pas qu'il ne ferait rien. Juste qu'il risquait peut-être de ne pas réagir comme on s'attendrait de sa part. Au cas où.

- Dans ce cas...pourquoi vous me vouvoyez encore ?

Bien qu'il avait noté que c'était la première fois qu'elle prononçait son nom. Il l'avait déjà entendu de la bouche de d'autres personnes, mais ces personnes n'avaient jamais été des "amies"...soit des connaissances, des proches qu'il avait perdu, ce genre de chose.

Eriol redescendit soudainement vers eux, et Achariel sursauta en le voyant s'accidenter un peu contre un arbre. Aussi s'était-il vivement redressé pour aller à son secours, mais Eriol était déjà debout, titubant vers eux. Achariel étant très observateur, il ne manqua pas de remarquer les substances visqueuses en goutte aux coins des lèvres d'Eriol, qui manquèrent de l'écoeurer, mais il n'en fit rien, passant largement au-dessus. Il avait vu pire, hein.

- Qu'est-ce que vous...

A peine eut-il le temps de commencer sa question qu'Eriol le coupa et disparut. Faisant de suite réagir Achariel, qui d'un coup, se montra sans le vouloir plus que ce qu'il s'évertuait à cacher sans cesse :

- ERIOL !! PAS ICI !

Trop tard...il soupira, se frappant le front. Eriol était décidément hallucinant...oui, plus ça allait, et plus Achariel le comparait à un enfant dans un corps d'adulte.

- Ce n'est pas vrai...

Il ne tenait pas à ce qu'Eriol contamine le ranch. Après tout, les animaux, ça mangeait à même le sol. Puis bon, il faudrait aussi s'expliquer aux éleveurs...

En attendant, grognant un peu, Achariel se dirigea jusqu'à chez lui, y disparaissant pendant de longues minutes, jusqu'à en sortir, un sac semblant bien remplis dans une main, rejoignant de nouveau Aaluna et Aranwë qui était descendu.

Achariel en profita pour l'examiner d'une paume lumineuse, et ne perçut rien. De là, il reporta son attention autour de lui, croisant les bras, gardant le sac avec lui.

- Il a intérêt à revenir...

fit-il, ayant une idée très précise en tête. Il ne voulait aucun mal à l'ange. Mais n'allait pas le laisser faire n'importe quoi non-plus. Enfin bref, sauf si on le connaissait très bien, nul(le) ne savait ce qu'il avait en tête en cet instant...quoique, on pouvait deviner.
Car Aranwë se pencha pour flairer le sac, qu'Achariel lui éloigna :

- Ce n'est pas pour toi, ensuite, tu t'es largement nourri depuis ce matin !

La créature râla un peu, frustrée, mais ne fit rien de plus, comme souvent. Le ton ferme de son maitre était sans appel, il l'avait appris. ça ne servirait à rien d'insister avec lui.

Aaluna se rendit compte qu'il n'avait pas tort, qu'elle le vouvoyait toujours depuis tout ce temps. Il fallait dire qu'il n'avait toujours eu une relation sans accroches, alors instinctivement, il restait tout de même une distance. Et puis elle avait beaucoup de respect pour lui, vu le nombre de fois où il l'avait aidée. Quelque part, il l'impressionnait un peu...
Et enfin, dernier point, lui aussi n'utilisait que le "vous" envers elle, alors forcément... Si elle tutoyait Eriol, c'était parce qu'il le lui avait dit directement. En revanche, les choses étaient différente avec Achariel, et vu qu'aucun des deux n'avait prit l'initiative...

"Et bien, c'est que..."

Elle ne pu toutefois pas finir sa réponse, car Eriol revint au même moment, visiblement pas très bien, surtout après un atterrissage... Raté. Tout ce qu'elle put faire fut de le regarder hébétée tandis qu'Achariel tentait de l'aider, sauf qu'il disparu tout aussi rapidement.
Suite de quoi, le Gardien parti quelques secondes chez lui, la laissant plantée là avec Aranwë.
Elle n'osa pas bouger, préférant attendre, ne cherchant au final pas à comprendre.

Même si elle avait passé les deux derniers jours dans les choux, elle avait quand même remarqué qu'Eriol était une personne de décidément très spéciale.
Du coup, elle n'était pas non plus spécialement étonnée.
Achariel revint assez vite, avec un sac, et semblait attendre l'autre Ange de pied ferme, repoussant le Pégase quand ce dernier s'approcha un peu trop du sac.

"Heeeem... Je pense qu'il va revenir oui... Attendons encore un peu, il ne semblait pas très bien..."

Fit-elle un peu timidement du coup, coupée dans sa lancée, si bien qu'elle avait oublié ce qu'elle voulait dire juste avant.
Sauf qu'elle non plus n'était pas vraiment très en forme, alors plutôt que de rester là dans une situation un peu déstabilisante, elle alla s'assoir à l'ombre de l'arbre, inutile d'aller à l'intérieur par un temps pareil. Mais bon, si elle restait trop au soleil, ça risquait de ne pas le faire non plus. Une fois plus à l'aise, elle reprit.

"Que disons nous déjà ?"

Achariel était en train de calculer comment redresser la situation après qu'il en aurait terminé avec Eriol, Aaluna reprit. L'ange était en tout cas un peu surpris qu'Aaluna ne semblait pas souffrir de quoi que ce soit venant d'Eriol...bon, tant mieux, quelque part. Même si bon, chacun aurait beau dire, cette conséquence-là, il la regretterait toujours. Lier quelque part de force deux âmes sans réellement l'avoir voulu, ni de sa part, ni des deux concernés...enfin, c'était leur vie, il ne pourrait malheureusement rien y faire. Avait-il pu les en empêcher, d'ailleurs ? Non. Alors pourquoi continuerait-il vainement ?

Il reprit :

- Je vous demandais juste pourquoi vous restiez alors distante si votre souhait était de m'offrir votre amitié.

Toujours en regardant plutôt en face de lui, regardant vaguement partout, comme il le faisait depuis 5 années, repérant le moindre problème au cas où, vu que ça, il gérait la plupart du temps. Bien que là, rien ne se passait, ce qui lui permettait de rester là.

Ah oui, voilà, cette histoire de vouvoiement. Elle reprit donc avec un sourire.

"Et bien... Vous me vouvoyez aussi depuis le départ non ? De mon côté, mon travail de garde m'oblige à user presque tout le temps de ce genre de politesse. Alors je le fais naturellement tant que l'on ne me demande pas le contraire."

en fait, elle n'avait quasiment jamais tutoyé quelqu'un, à part certains de ses gardes qu'elle devait formé, et où l'utilisation du "tu" donnaient parfois de meilleurs résultats pour les secouer un peu, ou leur montrer qu'elle aussi pouvait être familière, bref, elle s'en servait plus à titre professionnel, que relationnel. Même les gens qu'elle commençait pourtant à bien connaitre et qu'elle considérait à se façon comme des "amis", elle les vouvoyait quand même !

L'autre raison était qu'elle avait aussi peur. Peur d'être mise à l'écart ou jugée pour ce qu'elle n'était pas à cause de sa magie. Résultat, elle se montrait de nature très polie et sociable pour que les gens la voient vraiment telle qu'elle était, et non avec les idées qu'ils pourraient se faire s'ils se rendait compte qu'elle était en partie Démone.
Et puis de toute façon, elle n'était pas non plus très familière avec toutes les subtilités de ce genre. Elle apprenait petit à petit, mais certaines notions étaient loin d'être maitrisées.

"Après, si vous y tenez vraiment, vous tutoyer ne me posera pas de soucis."

Ça lui ferai juste un peu bizarre, comme il lui arrivait parfois de continuer de vouvoyer Eriol par habitude.

"Personnellement, je considère ça plus comme une marque de respect, qu'une histoire de distance."

Fit-elle ensuite le plus naturellement du monde. Sa vision n'était pas fausse non plus, mais bon, elle ne venait pas vraiment du même "monde".

- Si je le fais dès le départ, c'est que là-dessus, je ne suis pas du genre à faire le premier pas. Vous savez bien que je ne suis qu'un idiot qui n'ose jamais dévoiler quoi que ce soit de ce genre.

répondit-il à la première remarque, bien qu'en ne la regardant toujours pas directement, mais plutôt les vastes étendues du Ranch habitées par de nombreuses créatures ailées. Le tout avec un aplomb qui pouvait surprendre de sa part. De toute façon...il connaissait ses défauts et ses qualités, ainsi que ses atouts et faiblesses, et tentait de faire avec.

- Mais j'avoue que si votre considération pour moi, ainsi que la mienne envers vous est à ce niveau-là, ça me vexerait un peu de vous entendre tutoyer directement "amicalement" une personne venant de nulle part, alors que j'ai tenté plus de choses, à mon avis, auparavant. Enfin, "vexer" n'est pas vraiment le mot qui convient, il est trop fort pour ça. Je ne suis malheureusement pas un démon, c'est donc le genre de chose auquel je fais attention bien malgré-moi. Sûrement parce que, comme vous l'insinuez, nous n'avons pas la même conception des choses...vous voyez les choses d'une façon différente, et ça, personne ne peut vous en vouloir, ça serait idiot. Moi-même trouve cette réaction plutôt...idiote. Mais je n'y peux rien.

Et comme, justement, elle n'avait pas du tout le même oeil...il préféra lui expliquer, toujours très posément :

- Vous êtes chef de garde, n'est-ce pas ? Essayez donc d'imaginer. Pour arriver à votre statut, vous avez dû vous démener, en faire beaucoup pour prouver votre valeur. Vous avez pas mal enduré, à mon avis. Imaginez-vous juste pendant une seconde qu'au moment de la nomination, une autre personne soit arrivée. Et que seulement par quelques paroles ou une seule démonstration, ait reçu le titre à votre place, juste sous vos yeux, alors que la personne qui vous a octroyé ce grade vous a vu vous démener. Comment auriez-vous réagi ?

Il lui laissa quelques secondes de silence, pour lui donner le temps d'intégrer l'idée, espérant être clair.

- L'image est bien entendu exagérée. Toutefois, si un humain pourrait vous en vouloir pour ça, dans mon cas, je ne vous en tiendrai pas rigueur, je serais plutôt du genre à tout garder pour moi et à m'isoler. Après tout...le principal, c'est que vous soyez au mieux, non ? Le ressentis étant idiot en plus, je ne vois pas pourquoi j'irai jusqu'à réagir d'une quelconque façon. Je n'ai pas à décider à votre place, en plus. Chacun est libre de ses propres choix. Sachez juste que dans tous les cas, ma porte vous sera toujours ouverte.

Bon, pour une fois, il avait été franc directement, sans "ne pas oser" comme d'habitude, puis encaisser, jusqu'à déborder, puis craquer complètement, comme une véritable bombe à retardement. Vu les conséquences que cela provoquait chez lui...puis bon, il se disait que c'était injuste envers elle de ne pas être honnête, avec ce qu'elle avait tenté envers lui...alors du coup, il s'employait à ce genre d'effort, jusqu'à ce que ça puisse devenir naturel. Tout en restant sincère jusqu'au bout, et toujours très posé. Aucun son sec ou le genre. Il posait juste les choses, sans aller plus loin, avec le plus de recul possible. Révélant ce ressenti incontrôlé, en même temps que la conscience derrière qui s'interdisait d'y céder.

- Je crois que je me fais bien plus de soucis que ce qu'il faut, décidément...

conclut-il simplement. Ce qui provoquait ce ressenti plutôt mauvais, qu'il préférait repousser, pour les raisons qu'il avait énoncées.

Aaluna avait décidément du mal à comprendre... Pour elle, l'Ange se prenait vraiment trop la tête et voyait des choses là où elles n'avaient pas besoin d'elle. Il tenta de lui expliquer son point de vue, lui donnant un exemple, qui hélas, ne lui parla pas vraiment. Bien qu'elle répondit, pour tenter de s'expliquer un peu.

"En fait... Je pense que ça ne m'aurait rien fait... Je ne participais pas aux nominations, on m'a donné le post au bout d'un long moment. D'autres sont montés plus rapidement que moi, mais honnêtement, je m'en fiche. J'ai dû faire beaucoup d'efforts, oui. J'ai des difficultés où d'autres n'en ont pas, mais l'inverse est vrai aussi. Nous n'avançons pas à la même vitesse, mais je pense que chaque effort finit par être récompensé. Il ne faut pas être trop pressé ou jalouser les autres. Si vous voulez quelque chose, donnez-vous juste les moyens de l'avoir. C'est que je me dis et fait tout le temps... Même si des fois, je me trompe, et c'est là où être accompagné est important. On ne peut pas toujours tout faire tout seul, même si on s'en croit capable... Enfin... Je dis ça, mais je le fait toujours..."

Fit-elle ironiquement sur la fin. Combien de fois encore elle se mettait à l'écart, seule, pour gérer ses crises et ainsi n'inquiéter personne ? Elle n'allait pas forcément chercher de l'aide, mais ne refusait pas quand une venait à elle non plus.
Enfin, ça avait changé maintenant... Elle était liée à un Ange, donc elle bénéficiait d'une aide constante. Et maintenant qu'elle l'avait, elle n'allait pas s'en plaindre, bien au contraire ! On se rendait mieux compte de la chose une fois cette dernière en sa possession, au point de se demander comment on faisait pour vivre sans avant...

"Tu sais Achariel, je pense qu'en effet, tu te prends trop la tête. Tout à l'heure, tu m'as fait comprendre que tu avais souffert en te sentant exclu pour n'avoir rien pu faire quand j'étais mal. Tu es partis tout seul, voulant mettre fin à tes jours, pensant que l'on allait t'oublier. Et pourtant, nous sommes venus. J'aurai voulu arriver bien plus tôt mais... Enfin, passons. Tu as peur d'être exclu au final non ? Alors à côté, tu te démène pour aider les gens, même sans vraiment le montrer, pour ne pas être laissé derrière. Et tu as du mal, car ton passé n'a pas été simple. Pourtant... Aujourd'hui, là, maintenant, tu n'es pas tout seul, que je sache... Quand tu aide une personne, attend au moins qu'elle soit sur pied pour te remercier, au lieu de tirer des conclusions hâtives !"

Pour le coup là, elle s'était mise à le tutoyer. C'était ce qu'il voulait après tout non ? Le reste, elle l'avait dit plutôt amusée, et fit une légère pause le temps de pouffer un peu, avant de reprendre un peu plus sérieusement.

"Je suis pareille en réalité. Je ne veux plus revivre cet enfer, alors j'aide les gens pour ne plus être assimilée à ce monde chaotique qu'ils craignent tant. J'essaie de cacher au mieux ce qui me nuit tous les jours pour ne pas les effrayer. Et... J'avoue que je suis contente, parce que je m'en donne la peine, et que j'y arrive. Je pense avoir plus de facilités que vous à ce niveau là, il est vrai. Pourtant, vous aussi, vous en êtes capables, sinon, je ne serai sûrement pas ici. Voyez ce que vous avez accomplis vous, plutôt que de regarder chez les autres. On a tous nos points forts et nos faiblesses. Même dans les moments difficiles, il faut se battre."

Elle était certaine qu'il comprendrait où elle voulait en venir. Quelque part, ils étaient pareils... La différence était qu'elle, elle ne se compliquait pas trop la vie, elle avait déjà assez à faire comme cela.
Suite à ça, elle se contenta simplement de lui sourire. Elle n'était pas du genre à laisser tomber une personne qui en avait fait beaucoup pour elle.

Finalement, il avait beau chercher des exemples concrets qu'il pensait plus explicites, Aaluna n'arrivait décidément pas à voir...toutefois, elle sembla malgré-tout comprendre la chose plus ou moins, vu ce qu'elle lui répondit par la suite.

Il l'écouta donc sans l'interrompre. Ils avaient le temps après tout.

Voyant qu'il n'arriverait pas à choper le contenu du sac, Aranwë s'éloigna un peu de quelques pas, légèrement boudeur, penchant la tête sur le sol pour profiter de l'herbe fraiche. Chose au moins accessible qu'il était sûr de pouvoir prendre.

Une fois qu'Aaluna eut terminé, Achariel mit quelques secondes de silence avant de répondre, assez soulagé :

- Je suis plutôt content que v...tu l'aies bien pris. J'ai toujours été convaincu du fait que simplement poser les choses sans heurts permet de régler les problèmes bien plus facilement qu'avec des cris de colère, qui font que la personne en face se fermera et ne sera pas disposé à écouter. Seulement...peu de gens s'en rendent compte.

Elle avait fait l'effort, du coup, il s'y mettait aussi. A force, cela se transformerait en habitude, et si cette habitude se prenait...dans les deux sens en tout cas...il se disait qu'il y aurait un sacré pas de fait. Aaluna serait la toute première personne entrant dans la case "amie" et qui était autre chose qu'un animal, avec qui l'ange s'entendait décidément très bien...bien plus que la société en tout cas.

Disons que tout ceci instaurait plus de confiance, déjà, pour avancer, faire un pas de plus, puis un autre, et ainsi de suite jusqu'à ne plus hésiter, ne plus avoir ces barrières qui l'empêchaient de se montrer tel qu'il était réellement tout au fond de lui.

- Merci...de m'avoir offert ça.

conclut-il ensuite, par rapport au tutoiement, et aussi pour cette amitié offerte, justement. Un grand pas de fait. Il se sentait moins oppressé, déjà. Un bon signe.

"Il est parfois dur de rester calme face à certaines situations..."

Elle par exemple était très sensible à tout type de torture qu'elle pouvait voir, aussi bien sur un humain que sur un animal, vu que ça lui rappelait ce qu'elle avait vécu. D'ailleurs, elle avait déjà reprit sévèrement Achariel à cause de ça pour l'histoire du phénix, elle avait eu beaucoup de mal à supporter, et avait perdu son calme en une seconde à peine... Tout comme l'Ange avait perdu le sien en la présence d'Eriol... Les craintes ou les visions du passé étaient des choses difficilement contrôlables...

Elle regarda ensuite l'Ange un peu surprise. Du coup, elle en oublia justement le tutoiement dans la réponse qui suivit.

"De vous avoir offert quoi ? Je ne vous ai rien offert, je vous ai juste rendu ce que vous m'avez déjà apporté."

Oui bon, visiblement, niveau point de vue, ce n'était pas toujours ça, mais toujours mieux que rien. Parce que pour elle, ça lui semblait tellement naturel...

"Enfin, peu importe. Je suis soulagée de voir que vou... Euh... Que tu te portes bien !"

Et dire qu'elle avait failli le charrier un peu quand il s'était reprit... Au final, elle ne faisait pas mieux... Tout une habitude à devoir prendre, effectivement...

"Désolée... Il va falloir que je m'adapte un peu je crois... Ne le prends pas mal..."

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